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Channel: Bon sens et Déraison
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Jeudis musicaux en pays royannais 2015, à mi-parcours

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Pendant que des dizaines de milliers de personnes se pressent au mythique "Violon sur le sable", vaste entreprise de "vulgarisation" de la musique classique dont l'effet pédagogique me semble limité, notre Festival des Jeudis Musicaux continue à dérouler vaillamment sa 27e édition. Sans vouloir faire polémique, il me semble, paradoxalement, que côté diffusion de la musique classique auprès d'un plus vaste public, le second est nettement plus efficace que le premier. Les Jeudis, comme le faisait fort maladroitement remarquer PPDA, apportent la musique dans les "endroits les plus perdus". Je vous ai déjà chanté sur tous les tons cette manifestation aux 34 concerts, émaillés dans les plus petits villages de la communauté de commune royannaise : et notre parisien de service (il faut bien, là aussi des "têtes de gondole" pour attirer le chaland, habitué à la petite lucarne), même s'il le disait sur un ton un peu condescendant, avait parfaitement raison de souligner ce rôle éducatif du Festival. Depuis 27 ans, nos communes de parfois moins de 300 habitants, bénéficient, chaque année, d'un concert de très grande qualité (la programmation 2015 est proprement ébouriffante) et, forcément, cela finit par former le goût. Le Comité des fêtes qui "reçoit" prépare un petit pot pour l'après-concert et la tradition est bien instaurée : les "gens du village" sont impliqués, viennent au concert, émettent des voeux sur ce qu'ils pourraient entendre l'an prochain (violon-accordéon, quelle bonne idée !!) et se sont, année après année, approprié LE concert qui leur échoit. Je le disais, la musique est de qualité, et même si Yann Le Calvet doit, parfois, faire des concessions du type Lodéon ou PPDA pour attirer le bon peuple, l'ensemble est toujours excellent pour l'oreille et apprend ce qu'est un "vrai concert". Car Violon sur le Sable, avec ses moyens pharaoniques, ses déploiements techniques et pyrotechniques, ses extraits pour ne pas lasser et sa démagogie pour faire nombre, ne me semble pas transformer le moindre de ses spectateurs (et ils sont 120 000, voire 150 000 chaque été) en mélomane. Au contraire, ceux qui, après cette expérience, tentent un concert, sont forcément surpris par le côté austère de l'affaire. Surpris et ennuyés. Ils ne reviennent pas, ayant dormi ou, au mieux, baillé. Alors que les "gens des bourgades" (le mot est encore de l'inénarrable PPDA) assistent avec nettement plus d'intérêt au concert annuel de "leur"église.


Témoin ce concert absolument extraordinaire où Jérôme Pernoo se produisait en soliste, pour des sonates et partitas de Bach, une sonate de Connesson et une autre de Kodaly. Les mélomanes comprendront mon propos : un violoncelle seul, égrenant ces partitions dont le moins qu'on puisse dire est qu'elles ne sont pas d'accès facile, pour éviter pudiquement de dire que c'est de la musique savante, a priori, ce n'est pas de la tarte. Et, dans la petite (et merveilleuse) église de Corme-Écluse, nous étions un peu inquiet de l'état du public au bout d'une heure de concert : on avait un peu peur que d'aucuns se laissent aller à des ronflements incontrôlés. Et bien, que croyez-vous qu'il arriva ?? Jérôme Pernoo, avec l'engagement, la passion, la fougue qu'on lui connait, a tenu sous le charme un public absolument subjugué. Il était tellement enthousiaste, fervent, vibrant, que pas un spectateur ne pouvait échapper à son jeu. C'était émouvant, captivant, fascinant, envoûtant... que nous étions tous pris dans les rais de ses notes. Un silence impressionnant régnait dans l'église et les applaudissements étaient des ovations non commanditées !! Rien que pour un concert de cette qualité, Yann Le Calvet mériterait une décoration : c'est de la vraie démocratisation de la musique, ça !!


Il y a eu, en ce début d'été, bien d'autres grands moments : parmi eux l'improbable concert autour de Pauline Viardot. Là encore, Pauline Viardot, une cantatrice du XIXe, accessoirement compositrice presque jamais jouée, qui cela peut-il intéresser à l'aire du numérique ? Une salle entière sous le charme et l'émotion... si, si, je vous le garantis. Les protagonistes étaient l'excellent accompagnateur (et très bon soliste) Jonas Vitaud, au piano, une violoniste de haut vol, Marion Passou et la soprano au timbre chaud et prenant Geneviève Laurenceau. Et ils jouaient des oeuvres de Pauline, dont l'adorable Hai Luli (dont je vous recommande chaudement l'audition ci-dessous dans le merveilleux théâtre de Palladio à Vicence) ... de Saint-Saëns, Tchaïkovski, Lizt, Wagner et Gounod.


Pas vraiment de la musique de foire, encore des partitions difficiles et exigeantes. Mais les trois artistes étaient secondés par l'impressionnante Brigitte Fossey, qui grâce à des textes judicieusement choisis, liait la sauce !! Des lettres surtout, de Georges Sand quand elle gardait la petite fille de Pauline alors que cette dernière était en tournée, des réponses de la maman émue, des échanges épistolaires entre Pauline et son grand amoureux, Tourgueniev, qui l'aima durant 40 ans, des poèmes dont la sublime Nuit de Mai de Musset, récité avec une émotion sans afféterie par la grande actrice. On a ri, on a pleuré, on a écouté des airs nouveaux, bref, encore une soirée pour mieux aimer la musique.


Transmusibérien, dans un genre comparable, était plus difficile d'accès : le répertoire russe est moins aisé d'écoute et le choix des œuvres était pointu : Honegger - Ravel - Debussy - Schonberg - Berg - Borodine - Stravinsky - Beffa - Rachmaninov... Le quatuor Salieri le servait avec beaucoup de talent, mais cela restait austère. PPDA, puisque c'est à ce concert qu'il participait, était là pour, lui aussi, faire prendre la mayonnaise. Avec de très beaux textes de Cendrar à Gogol. Bien choisis mais très nostalgiques. Et surtout dits sans grande passion, d'une voix une peu monocorde, l'homme n'est pas un acteur, mais, en l'espèce, seulement un lecteur. Pourtant, le spectacle était de très belle qualité, mais son aspect de vulgarisation moins évident ! Cependant le public était ravi, mis en condition par la popularité du présentateur ex-vedette.



Un autre concert remarquable, fut celui de Bertrand Cuiller, dans l'adorable village de Floirac, au bout du bout de la communauté de communes, cadre enchanteur, 315 habitants, et un des meilleurs pots du Festival (un Cognac-orange que je vous recommande ... faut venir à Floirac !). Bertrand Cuiller est un claveciniste de premier plan (qui joue aussi du cor !! pour l'anecdote) qui nous a interprété un programme, là aussi, pour connaisseurs : première partie des pièces de virginalistes anglais, entendez une musique savante du XVIe, du vrai baroque pur et dur, deuxième partie, plus facile d'accès, du Rameau. Claveciniste dans de grands ensembles baroques français, Bertrand Cuiller mène une carrière de chambriste de soliste international. Son jeu, d'une rare intensité et d'un toucher plein de finesse et d'élégance, a tenu le public sous le charme. Public qui avait du mérite car le fameux "Violon" (sur la ville cette fois), ne jouant pas le jeu de la complicité, offrait ce soir-là une affiche déloyale : Zygel et un autre pianiste en match d'improvisation sur le court de tennis de Royan. A 5 euros (1). Un jeudi, alors que c'est la CARA qui soutient les deux manifestations... cherchez l'erreur !!


Bref - et je n'ai pas tout cité, le quatuor Hermès à Arces-sur-Gironde (690 habitants !), Claire Désert à Breuillet, la semaine prochaine le Quatuor Danel à Mornac et à Semussac, Jordi Savall à Saint Romain de Benet en clôture du festival - une programmation superbe pour un festival plein de découvertes, de moments intenses et de qualité, une réussite toujours aussi louable. D'autant plus louable que les conditions pratiques sont difficiles pour les mélomanes et autres amateurs qui doivent faire plus d'une heure de queue puis d'attente pour acheter leurs billets, au motif qu'il serait trop compliqué de prévoir des réservations... à l'heure d'internet !! Quand le moindre festival a un système de réservation en ligne, nous en sommes à l'ère des cagouilles : et le public des Jeudis, courageux, toujours de bonne humeur (ou presque !!) joue le jeu. Mais, et c'est désolant comme effet secondaire, quand il pleut, l'église est à moitié vide car beaucoup reculent devant la perspective d'une attente d'une heure sous l'eau ! Il faudrait absolument que la CARA prenne en compte le succès, la qualité et la réussite de ce Festival et donne aux organisateurs les moyens de le rendre encore plus attractif pour le public.

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(1) Et pourtant les concerts des jeudis sont à des prix ultra-doux : 12€, ramenés à 10 par le jeu de la fidélité puisqu'on a droit à une place gratuite dès lors qu'on en a acheté 5... soit 3 concerts pour un couple !!

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