Il a grandi depuis cet époque où Autour du Puits nous parlait déjà de lui, mais il reste un jeune prodige, comme aiment à l'annoncer les journaleux de service, dépêchés aux concerts, pour y pondre quelqu’article de bon aloi. Cela ne se laisse pas passer, ne serait-ce que pour vous dire fièrement dans quelques années "vous en souvient- il ? j'y étais ! " . Mais non, je plaisante ... il s'agit seulement de vous parler d'un jeune violoncelliste plus que prometteur, et qui, si sa carrière est bien conduite, devrait compter parmi les plus grands dans les décennies à venir. Vous le connaissez peut-être, car la bienheureuse manifestation des Victoires de la Musique Classique l'a déjà mis sur le devant de la scène. Bienheureuse, dis-je, malgré mon aversion dûment répertoriée pour la chose télévisuelle, car il faut bien avouer que sans passage à l'étrange lucarne, les plus talentueux restent de pauvres inconnus. Et s'il faut en passer par là pour promouvoir les talents, passons allègrement.
Donc Edgar Moreau, que nous avons entendu, excusez du peu, dans 4 concerts, me semble idéalement devoir devenir un grand violoncelliste. A peine 20 ans, mais déjà un jeu "habité". Une technique irréprochable, de celles qui permettent d'offrir au public béat ces petits tours de force ''paganiniens"qui, enfin de concert entraînent des acclamations nourries, mais aussi un son rond, chaud, profond ... des attaques impeccables et, surtout, un sens très aigu de la partition... tous les ingrédients sont là pour assurer à ce tout jeune homme un avenir brillant. Invité par le quatuor Modigliani dans le cadre d'une"carte blanche" des Jeudis Musicaux royannais, il nous a d'abord offert un concert en soliste, Bach, Crumb et Ligeti. Plus tard, dûment "couvé" du regard par les quartettistes attentifs, il a interprété avec maestria le quintette avec violoncelle de Schubert. Puis, c'est dans le cadre du Festival du Périgord Noir, que nous l'avons retrouvé pour une carte blanche, deux jours plus tard, à Saint Léon sur Vézère. D'abord en duo, avec le très talentueux Pierre-Yves Hodique au piano, pour des oeuvres de Brahms, Chopin, Beethoven et Paganini. Et le soir, en quatuor avec sa petite soeur, Raphaelle, un peu tendue - mais elle a encore un an de moins que lui - et avec Adrien La Marca à l'alto et l'excellent David Kadouch au piano. Au programme des œuvres de Mozart, Schumann et Tanguy.
Pour en revenir à notre "héros" du jour, je vous assure qu'il a un potentiel étonnant ce minot ! Car non content de manier l'archet avec une virtuosité rarement prise en défaut, il a une "vraie" sensibilité. Edgar Moreau est aussi pianiste, il a même décroché des prix d'interprétation à cet instrument, et ceci explique peut-être son approche particulièrement fine des œuvres. Immergé dans la partition, il fait preuve d'une maturité et d'une autorité qui "habillent" ses interprétations d'une présence idéale.
L'ampleur et l'élégance de son jeu doivent aussi, il ne faut pas le nier, au merveilleux instrument qu'il a la chance de posséder : un David Tecchler de 1711 qui, chose rare, lui appartient ou du moins appartient à sa famille. Le père d'Edgar étant antiquaire, il a eu l'occasion d'acheter et de faire restaurer cette pièce rare du luthier autrichien, qui après avoir vécu à Salzbourg, travailla aussi à Venise et à Rome où il se rendit célèbre pour ses violoncelles remarquables. Peu d'instrumentistes ont la chance, surtout à 20 ans (en fait il le joue depuis le concours Rostropovitch gagné en 2009), d'avoir une pareille merveille.
Un drôle de phénomène que de voir cet enfant tenir sous le charme une assemblée de mélomanes chenus, un peu "revenus" de tout et ayant, souvent, entendu tous les disques, comme d'autres ont, en leur temps, lu tous les livres. Il vous prend, à écouter ainsi ces tout jeunes artistes, des états d'âme sur la vie que mènent ces enfants surdoués. Pas forcément privés de jeunesse mais pour le moins soumis à une discipline de fer, des heures de gammes et de travail ingrat et répétitif, la pression permanente des concours, le stress impitoyable de la compétition; les attentes exigeantes de l'entourage... tout cela pour exercer un métier ingrat, courir de pays en sous préfecture, logeant de-ci, de-là, supportant des publics divers, pas toujours très attentifs, plus ou moins mélomanes et n'appréciant pas forcément à sa juste valeur l'étendue de votre talent. Quel mérite alors de donner, comme le fit Edgar Moreau tant à Royan qu'à Saint Léon, le meilleur de soi-même... Juges-en en écoutant l'émission de France Musique le concert de midi : écoutez cet archet, puissant, précis et tellement convaincant ! Un vrai plaisir... Pourvu que sa carrière soit bien menée, pourvu qu'il soit porté par un entourage aimant et attentif pour affronter cette vie difficile de soliste ou de chambriste (un sacerdoce parfois !!), pourvu qu'il soit encore longtemps jeune, généreux et heureux de jouer pour nous.
Et pour en terminer avec Saint Léon, notre autre coup de cœur a été pour le tout nouveau trio "Les Esprits", créé en 2012 par Adam Laloum avec la violoniste Mi-sa Yang et le violoncelliste Victor Julien-Laferrière. Ayant une prédilection marquée pour le pianiste (que nous allons écouter vendredi prochain à Fontaine d'Ozillac), je vous avoue que j'attendais avec impatience ce concert. Non seulement mes attentes n'ont pas été déçues, mais j'ai été proprement enthousiasmée, prête à courir aux quatre coins du pays pour les entendre : une complicité sans égale, trois talents de haute volée qui jouent avec beaucoup d'humilité, chacun ayant à cœur de mettre les autres en valeur, et surtout un engagement rare et une sensibilité proprement idéale. Tout cela malgré un accord proprement calamiteux du piano (qu'Adam Laloum a subi avec une incroyable gentillesse : il a juste désiré reprendre en bis le mouvement complètement gâché du Mozart afin de ne pas nous laisser avec une mauvais impression !!), je suis certaine que si Gérard avait commis une pareille ineptie, il se serait fait hara-kiri dans l'heure ! Vatel s'est suicidé pour moins que cela. A suivre de très près ce trio !! Sublime...
L'ampleur et l'élégance de son jeu doivent aussi, il ne faut pas le nier, au merveilleux instrument qu'il a la chance de posséder : un David Tecchler de 1711 qui, chose rare, lui appartient ou du moins appartient à sa famille. Le père d'Edgar étant antiquaire, il a eu l'occasion d'acheter et de faire restaurer cette pièce rare du luthier autrichien, qui après avoir vécu à Salzbourg, travailla aussi à Venise et à Rome où il se rendit célèbre pour ses violoncelles remarquables. Peu d'instrumentistes ont la chance, surtout à 20 ans (en fait il le joue depuis le concours Rostropovitch gagné en 2009), d'avoir une pareille merveille.
Un drôle de phénomène que de voir cet enfant tenir sous le charme une assemblée de mélomanes chenus, un peu "revenus" de tout et ayant, souvent, entendu tous les disques, comme d'autres ont, en leur temps, lu tous les livres. Il vous prend, à écouter ainsi ces tout jeunes artistes, des états d'âme sur la vie que mènent ces enfants surdoués. Pas forcément privés de jeunesse mais pour le moins soumis à une discipline de fer, des heures de gammes et de travail ingrat et répétitif, la pression permanente des concours, le stress impitoyable de la compétition; les attentes exigeantes de l'entourage... tout cela pour exercer un métier ingrat, courir de pays en sous préfecture, logeant de-ci, de-là, supportant des publics divers, pas toujours très attentifs, plus ou moins mélomanes et n'appréciant pas forcément à sa juste valeur l'étendue de votre talent. Quel mérite alors de donner, comme le fit Edgar Moreau tant à Royan qu'à Saint Léon, le meilleur de soi-même... Juges-en en écoutant l'émission de France Musique le concert de midi : écoutez cet archet, puissant, précis et tellement convaincant ! Un vrai plaisir... Pourvu que sa carrière soit bien menée, pourvu qu'il soit porté par un entourage aimant et attentif pour affronter cette vie difficile de soliste ou de chambriste (un sacerdoce parfois !!), pourvu qu'il soit encore longtemps jeune, généreux et heureux de jouer pour nous.