Correggio, située dans la Plaine du Pô, fut une petite capitale de la culture renaissante italienne. Du fait de son emplacement, assez central dans la plaine, ce fut le lieu de rencontre d'artistes et de lettrés, en particulier grâce au mécénat des Correggio, vassaux de Mathilde de Canossa qui en furent durant 6 siècles les seigneurs (1009-1635).
La ville accueillit ainsi Rinaldo Corso, Claudio Merulo, Veronica Gambara, Ludovico Ariosto (dit L’Arioste), Pietro Bembo, Francesco Maria Molza, Bernardo Tasso, Nicolò Postumo... C'est aussi et surtout, la ville natale d'Antonio Allegri, plus connu chez nous sous le nom du Corrège. Fils d'un notable de Correggio, il se destinait à une profession libérale, mais il prend goût à la peinture au contact de son oncle Lorenzo qui fut son premier maître. C'est à Correggio, auprès d'Antonio Bartolotti (~1450-1527), qu'il poursuivit sa formation d'artiste. En 1511, fuyant la peste qui sévissait à Correggio, il se rend à Mantoue où il découvre et étudie les œuvres d'Andrea Mantegna (1431-1506) et travaille avec Lorenzo Costa l'Ancien (1460-1535), auteurs des peintures du studiolo d'Isabelle d'Este. Peu attiré par Rome, il préfère rester dans sa province natale et, en 1519, il exécute à Parme le décor d'une voûte au couvent Saint-Paul (dit chambre de l'abesse) dont j'ai déjà parlé dans ce blog. Cette œuvre exécutée à l'âge de trente ans, fait sa réputation : c'est sa "Sixtine" ! Il reçoit dès lors de nombreuses commandes et devient un des peintres dont l'influence sera la plus déterminante pour l'évolution de l'art pictural des décennies suivantes.
La ville est de toute petite taille et ne conserve que peu d’œuvres de son célèbre enfant. Pourtant le musée présente quelques œuvres insignes qui font qu'il mérite la visite.
Et oui ! Un Mantegna... le Rédempteur date 1493, c'est une oeuvre tardive de l'artiste mort en 1506. Il représente le Christ tenant un livre sur lequel est écrit, en grande partie effacée, la célèbre phrase issue de Matthieu 14, 22-23 et de Luc, 24, 36-43 "Ego sum : nolite temere". Destiné à la dévotion privée, la toile est de petites dimensions (55x43) et possède une intense puissance émotionnelle. Le visage de Jésus, plein d'une mélancolie déchirante et empreint d'une infinie tristesse, s'impose par une force expressive impressionnante. Dépourvue des instruments propres à l'iconographe du Rédempteur (main bénissant ou globe tenu dans la main), la toile est sobre, et ce Salvator Mundi serait, selon certains, peut-être plutôt un Christ des douleurs. Son visage, dont la lividité est accentuée par le fond sombre, est entouré par la lueur d'or pâle d'une auréole lumineuse, de forme cruciforme. Il est présenté frontalement, sans artifice, ce qui accentue la très légère dissymétrie du regard, intensifiant son air déchirant.
Sur la bordure gauche on lit, en lettres d'or, "Momordite vos met ipsos ante effigiem vultus mei', ce qui, bien que le Mo du début soit moderne, signifierait en gros "déchirez-vous, vous aussi, devant l'image de mon visage". Le style de cette inscription dont certaines lettres sont tournées à 45° vers la droite alors que d'autres sont verticales, est courant chez Mantegna.
L'oeuvre est signée [AND(REAS) MANTIN] A PCSD[ONO] D[EDIT] MCCCCLXXXX[III] D[IE] // V // IA[NUARII], ce qui confirme encore plus son authenticité. D'autant que son pedigree, avant l'achat par la commune de Correggio en 1997, est bien connu et sûr.
Moins insigne, mais de très belle facture, la Vierge à l'enfant entre St Roch et St Sébastien, a été peinte par Geminiano Benzoni (connu de 1489 à 1513), un peintre actif à Ferrare à la fin du XVème siècle. Quoiqu'il s'agisse aussi d'un panneau de dévotion privée, on pense qu'il a été commandé pour une occasion particulière, les deux saints Roch et Sébastien étant invoqués en cas d'épidémie.
De facture très soignée, velours de prix, fermail précieux sur la cape de la Vierge, globe de cristal tenu par l'enfant, l'oeuvre dénote un commanditaire raffiné. La richesse de la gamme chromatique, l'expression délicate et intense des personnages sont révélateurs du climat artistique qui régnait à la cour de Ferrare où Benzoni était apprécié.
A part une reproduction ancienne et de belle qualité, et un très beau dessin, le musée ne possède que deux toiles du Corrège : une pietà qui lui a été rendue il y a peu, à cause de sa veine riche et sombre, comme si la lumière se faisait matière ....
... et un portrait du Christ, dont l'effigie est devenue presque iconique : ainsi, elle fut reprise par Mignard au XVIIème siècle et par d'autres suiveurs admiratifs du style d'Antonio Allegri, au point de faire perdre à ce dernier sa saveur première, parant ce genre d'interprétation d'une douceur "sucrée" qui n'est pas dans la manière du maître.
Le musée possède bien d'autres oeuvres intéressantes, pièces d'archéologie, tapisseries de Bruxelles, une galerie de toiles du XVIème au XXème siècle, des expositions temporaires, mais c'est la salle Renaissance, avec ces quelques œuvres de qualité, qui reste la plus intéressante. A parcourir studieusement, avant une petite halte charcutière bien sympathique !
Sur la bordure gauche on lit, en lettres d'or, "Momordite vos met ipsos ante effigiem vultus mei', ce qui, bien que le Mo du début soit moderne, signifierait en gros "déchirez-vous, vous aussi, devant l'image de mon visage". Le style de cette inscription dont certaines lettres sont tournées à 45° vers la droite alors que d'autres sont verticales, est courant chez Mantegna.
L'oeuvre est signée [AND(REAS) MANTIN] A PCSD[ONO] D[EDIT] MCCCCLXXXX[III] D[IE] // V // IA[NUARII], ce qui confirme encore plus son authenticité. D'autant que son pedigree, avant l'achat par la commune de Correggio en 1997, est bien connu et sûr.
Moins insigne, mais de très belle facture, la Vierge à l'enfant entre St Roch et St Sébastien, a été peinte par Geminiano Benzoni (connu de 1489 à 1513), un peintre actif à Ferrare à la fin du XVème siècle. Quoiqu'il s'agisse aussi d'un panneau de dévotion privée, on pense qu'il a été commandé pour une occasion particulière, les deux saints Roch et Sébastien étant invoqués en cas d'épidémie.
De facture très soignée, velours de prix, fermail précieux sur la cape de la Vierge, globe de cristal tenu par l'enfant, l'oeuvre dénote un commanditaire raffiné. La richesse de la gamme chromatique, l'expression délicate et intense des personnages sont révélateurs du climat artistique qui régnait à la cour de Ferrare où Benzoni était apprécié.
A part une reproduction ancienne et de belle qualité, et un très beau dessin, le musée ne possède que deux toiles du Corrège : une pietà qui lui a été rendue il y a peu, à cause de sa veine riche et sombre, comme si la lumière se faisait matière ....
... et un portrait du Christ, dont l'effigie est devenue presque iconique : ainsi, elle fut reprise par Mignard au XVIIème siècle et par d'autres suiveurs admiratifs du style d'Antonio Allegri, au point de faire perdre à ce dernier sa saveur première, parant ce genre d'interprétation d'une douceur "sucrée" qui n'est pas dans la manière du maître.
Le musée possède bien d'autres oeuvres intéressantes, pièces d'archéologie, tapisseries de Bruxelles, une galerie de toiles du XVIème au XXème siècle, des expositions temporaires, mais c'est la salle Renaissance, avec ces quelques œuvres de qualité, qui reste la plus intéressante. A parcourir studieusement, avant une petite halte charcutière bien sympathique !