Il est admis, en matière d'incompétences notoires, de fort nombreuses lacunes sans que cela n'entraîne, pour ceux qui en sont les victimes, de honte insurmontable. On se proclame ainsi volontiers nul en maths, détestable cuisinier, piètre jardinier, mauvais joueur ou bricoleur calamiteux. Ce sont des choses qui arrivent, et nul n'est tenu à être bon en tout. Mais il est un domaine dans lequel l'opprobre attend l'incapable ou le pas très doué : c'est la galanterie. Avez-vous déjà vu quiconque s'avouer nul dans l'art de procurer du plaisir à son partenaire, lamentable au jeu de la bête à deux dos, ou encore simplement ennuyé par les choses de l'amour ? Que nenni !!
Voyez ce qu'il en est lors des soirées entre amis : quand, le niveau des bouteilles baissant, on en arrive aux plaisanteries lestes, et qu'une blague salace raille quelque panne d'oreiller, maladresse amoureuse ou erreur d'aiguillage, tout un chacun prend un air entendu pour suggérer que pareille chose ne lui arriverait jamais ! Nous sommes tous, peu ou prou, persuadés qu'il est de bon ton de suggérer que nous sommes des bêtes du sexe, des experts de la gaudriole, des spécialistes du Kama Sutra. D'ailleurs, le sujet est rarement évoqué de façon claire, et il est bienséant, au sein d'un couple, si l'un des deux est d'une nullité affligeante au déduit, de n'en rien dire, voire de laisser entendre le contraire.
Les confidences elles-mêmes, fussent-elles échangées entre amis très proches, portent très rarement sur ses propres limites en matière de galipette ou les maladresses avérées de son partenaire. Il faut en être au fond du verre de Cognac XO pour se laisser aller à des réticences sur les performances de ce dernier ou, ça peut arriver aussi, sur sa propre inappétence à la chose.
Mais, vous dites-vous, qu'arrive-t-il donc à notre Michelaise, d'ordinaire si correcte, avec ses histoires de feuille à l'envers ?? Est-elle saisie de quelque démon du midi incontrôlé ou se met-elle à souffrir d'une nymphomanie insoupçonnée jusqu'alors ?
Il faut vous dire, mes amis, qu'à l'annonce de l'imminence du SSS (entendez Sea, Sex and Sun) estival, les médias se déchaînent, et mes "radios" m'abreuvent, ces jours-ci, de considérations oiseuses sur les nouvelles normes sexuelles, et autres billevesées sur l'incontournable évolution des mœurs. C'est ainsi que j'ai appris que l'échangisme est en passe de devenir tout à fait courant, normal et naturel (à ceci près que ce sont, nous dit-on, presque toujours les hommes qui en sont demandeurs, ce qui est louche !!), que l'onanisme est la plus saine et souhaitable des activités, qu'il est bon d'apprendre à le pratiquer savamment, que le masochisme devient monnaie courante et qu'il est bon de pimenter ses ébats de l'énoncé détaillé de ses fantasmes afin de leur donner plus d'élan. On passe du cinéma en noir et blanc au technicolor ! En un mot comme en cent, j'ai découvert que toutes les pratiques doivent être explorées pour atteindre enfin l'équilibre et le bien-être. Et bien sûr, je bougonnne, et m'énerve qu'on veuille libérer ma libido en la mettant en couple réglée, avec de nouvelles normes finalement plus contraignantes que les anciennes. Qu'on me laisse inventer mes fantaisies, savourer en secret mes fantasmes et qu'on cesse de me seriner avec ces obligations de résultat !
Sauf que ... fleurissent aussi nombre d'émissions dispensant, sur le ton d'une technicité componctueuse, foultitude de conseils et autres recettes infaillibles pour atteindre et faire atteindre à son partenaire du jour, forcément différent de celui de la veille, le 7ème ciel. À entendre les spécialistes en la matière, et croyez-moi en ces périodes pré-estivales ils sont légion, tout n'est qu'affaire de savoir-faire et de savoir être. Et Michelaise de se demander perfidement s'ils mettent à profit les recommandations qu'ils dispensent dans le huis-clos de leur alcôve ?
Pourtant les statistiques, égrenées de-ci, de-là pour rassurer l'auditeur moyen et surtout l'inciter à venir sur les ondes parler de son vécu, nécessairement passionnant et source d'enseignements pour tous, sont affligeantes : plus de 30% des hommes de plus de 40 ans présenteraient des problèmes d'impuissance, 40% des femmes présenteraient des troubles assimilables à de la frigidité, 1 homme sur 5 serait un éjaculateur précoce, j'en passe et de bien plus tristes !
Alors ? Nul doute que l'objet de ces émissions roses et fort décontractées, qui fleurissent comme pâquerettes au printemps, est de "faire monter le niveau" et de permettre à tous d'accéder enfin au Nirvana des corps. Le maître mot est d'en parler librement, oubliant qu'à l'écoute nombre de personnes seules n'ont plus de vie sexuelle depuis des années et qu'il en est du SSS comme des réjouissances carillonnées : quand vous n'êtes pas de la fête, c'est carrément déprimant à entendre. Tout peut maintenant être dit sur les ondes, tout doit être invoqué, et, rassurez-vous, tout peut être résolu. Peu importe alors que votre pitance quotidienne soit infâme car votre tendre moitié est inapte à faire cuire un oeuf, foin des énervements dû aux gaucheries de votre alter-ego incapable de manier le marteau sans s'écraser un doigt. Grâce à nos ondes dispensatrices de préceptes érotiques de bon aloi, vous serez certains, le soir venu, de grimper aux rideaux avec talent et "d'aller au bonheur" (1) en toute béatitude. Enfin libéré(e) de tout préjugé moral, débarrassé(e) des réticences absurdes de nos ancêtres (2), savant(e) comme les maronites grâce aux doctes recommandations de nos émissions favorites, nous sommes, c'est certain, tous le meilleur biscotteur(se) (3) du monde. La jouissance n'a plus pour nous aucun secret - pas comme le maniement de la cocotte-minute ou celui du pied-de-biche - et nous la pratiquons avec l'aisance qui sied aux avertis, réussissant sans jamais faillir. L'été promet d'être chaud !
Mais, à y bien réfléchir, il est une autre activité dans laquelle tout le monde prétend être expert : c'est la conduite automobile !! Avez-vous déjà entendu quiconque vous avouer être un médiocre conducteur ? Chacun est persuadé du contraire, et pourtant, nos routes regorgent de chauffards et autres écraseurs, dangers publics ou simples plaies des départementales, fiers de leur savoir-faire et as auto-proclamés du volant.
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(1) L'expression se lisait déjà sur la porte des bordels de Pompéi : Hic habitat felicitas
(2) Tu parles, ils en savaient plus que nous en la matière, il n'est qu'à lire leurs écrits fort instructifs !! Allez voir les citations du Dictionnaire Erotique moderne de Delvaux (1ère édition 1864)
(3) Il aimait mieux dépuceler cent filles que biscotter une veuve Rabelais
PS Vous l'aurez compris, le choix d'un vocabulaire volontairement désuet est destiné à éloigner de ce blog les cinglés et autres maniaques qui, bien que l'heure soit au naturel et à la décontraction, sévissent en permanence sur la toile. Quand on consulte les arguments de recherche conduisant aux articles, on est carrément halluciné par le côté malsain, répugnant, voire révoltant de certains formulations. Y aurait-il encore, malgré les louables efforts d'éducation des masses dont je parlais plus haut, des pervers et autres détraqués qui n'auraient cure de ces gentils cahiers de vacances ??
Pourtant les statistiques, égrenées de-ci, de-là pour rassurer l'auditeur moyen et surtout l'inciter à venir sur les ondes parler de son vécu, nécessairement passionnant et source d'enseignements pour tous, sont affligeantes : plus de 30% des hommes de plus de 40 ans présenteraient des problèmes d'impuissance, 40% des femmes présenteraient des troubles assimilables à de la frigidité, 1 homme sur 5 serait un éjaculateur précoce, j'en passe et de bien plus tristes !
Alors ? Nul doute que l'objet de ces émissions roses et fort décontractées, qui fleurissent comme pâquerettes au printemps, est de "faire monter le niveau" et de permettre à tous d'accéder enfin au Nirvana des corps. Le maître mot est d'en parler librement, oubliant qu'à l'écoute nombre de personnes seules n'ont plus de vie sexuelle depuis des années et qu'il en est du SSS comme des réjouissances carillonnées : quand vous n'êtes pas de la fête, c'est carrément déprimant à entendre. Tout peut maintenant être dit sur les ondes, tout doit être invoqué, et, rassurez-vous, tout peut être résolu. Peu importe alors que votre pitance quotidienne soit infâme car votre tendre moitié est inapte à faire cuire un oeuf, foin des énervements dû aux gaucheries de votre alter-ego incapable de manier le marteau sans s'écraser un doigt. Grâce à nos ondes dispensatrices de préceptes érotiques de bon aloi, vous serez certains, le soir venu, de grimper aux rideaux avec talent et "d'aller au bonheur" (1) en toute béatitude. Enfin libéré(e) de tout préjugé moral, débarrassé(e) des réticences absurdes de nos ancêtres (2), savant(e) comme les maronites grâce aux doctes recommandations de nos émissions favorites, nous sommes, c'est certain, tous le meilleur biscotteur(se) (3) du monde. La jouissance n'a plus pour nous aucun secret - pas comme le maniement de la cocotte-minute ou celui du pied-de-biche - et nous la pratiquons avec l'aisance qui sied aux avertis, réussissant sans jamais faillir. L'été promet d'être chaud !
Mais, à y bien réfléchir, il est une autre activité dans laquelle tout le monde prétend être expert : c'est la conduite automobile !! Avez-vous déjà entendu quiconque vous avouer être un médiocre conducteur ? Chacun est persuadé du contraire, et pourtant, nos routes regorgent de chauffards et autres écraseurs, dangers publics ou simples plaies des départementales, fiers de leur savoir-faire et as auto-proclamés du volant.
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(1) L'expression se lisait déjà sur la porte des bordels de Pompéi : Hic habitat felicitas
(2) Tu parles, ils en savaient plus que nous en la matière, il n'est qu'à lire leurs écrits fort instructifs !! Allez voir les citations du Dictionnaire Erotique moderne de Delvaux (1ère édition 1864)
(3) Il aimait mieux dépuceler cent filles que biscotter une veuve Rabelais
PS Vous l'aurez compris, le choix d'un vocabulaire volontairement désuet est destiné à éloigner de ce blog les cinglés et autres maniaques qui, bien que l'heure soit au naturel et à la décontraction, sévissent en permanence sur la toile. Quand on consulte les arguments de recherche conduisant aux articles, on est carrément halluciné par le côté malsain, répugnant, voire révoltant de certains formulations. Y aurait-il encore, malgré les louables efforts d'éducation des masses dont je parlais plus haut, des pervers et autres détraqués qui n'auraient cure de ces gentils cahiers de vacances ??