Partie les (re)visiter avec un ami parisien en séjour au bord de l'estuaire, je me suis dit que, finalement, ces deux merveilles que je présente aux visiteurs comme les joyaux de notre couronne d'églises romanes, valaient forcément le détour, et méritaient donc un petit billet. A quoi bon aller chercher au loin les beautés que l'on a à deux pas ?
Rioux, Rétaud ... je n'ose pas dire que c'est à cause d'elles que nous nous sommes installés en Saintonge, mais quand, en 1980 il fallut trouver un cabinet (dire qu'on est maintenant à l'autre bout du chemin, celui du moment où on le vend !) nous passâmes deux ou trois jours à visiter la région avant de choisir celui de Pérignac. Zodiaque en main, nous avons écumé les multiples édifices méritant selon les vénérables pères de la Pierre Qui Vire, notre admiration toute balbutiante. Et ces deux petits bijoux nous firent craquer pour ce pays de cocagne roman !!
Au fait, Michelaise, au fait !! Pardon, je m'égare encore dans les chemins délicieux de la nostalgie. Je vous rassure, je ne vais pas vous "le faire Zodiaque" !! Situées à 5 kilomètres l'une de l'autre, elles sont non seulement remarquables mais aussi étonnamment semblables. Tous s'accordent à élire Rioux comme reine, accordant sans ambages le titre de princesse à Rétaud, plus sobre. Pourtant ...
Jumelles, elles ne le sont pas par leurs façades, résolument différentes. Celle de Rioux, à gauche, défigurée par l'érection tardive du clocher, se terminait à l'origine, comme celle de Rétaud, par un fronton triangulaire. Mais alors que la seconde présente un portail tripartite très saintongeais, scandé par 4 grosses colonnes encastrées reliées par une corniche à modillons, et constitué de trois arcatures dont celle du centre est plus large et plus profonde, Rioux arbore un portail unique à 4 voussures, très développé et surmonté d'une série d’arcatures aveugles, dont les deux dernières retombent sur de hautes colonnes qui flanquent la façade sur tout sa hauteur.
Toutes les colonnes sont ornées et les arcs sont richement décorés. L'arcature centrale abrite une Vierge à l'enfant, inscrite dans une mandorle autrefois soutenue par des anges. Motif qui rappelle celui qu'on admire à Pérignac, tout à fait en haut de la façade. L'occulus qui la surmonte date de la construction du clocher, nettement plus tardive (XVème), deux modifications qui ont singulièrement rompu l'harmonie de l'ensemble.
Leurs plans semblent aussi résolument différents. Mais à Rioux, des remaniements ultérieurs ont ajouté, on l'a vu, un clocher carré au-dessus de l'entrée, et aussi des chapelles latérales gothiques, qui en brouillent définitivement l'élévation.
Alors que Rétaud a conservé son organisation initiale : si le clocher octogonal est ici aussi du XVème siècle, il a été construit sur la souche du clocher roman, au-dessus de l'arc triomphal. C'est d'ailleurs à cet endroit que se trouvait le clocher initial de Rioux, ainsi qu'en témoignent les fortes colonnes accolées à des pilastres que l'on voit dans la 4ème travée. Si l'on s'en tient aux constructions romanes, les deux églises se ressemblaient fort : nef unique à 4 travées, clocher posé au dessus de l'arc triomphal, comme si on avait eu l'intention de rajouter un transept ultérieur.
Mais ce sont essentiellement par leurs chevets que ces églises peuvent être qualifiées de jumelles, ou plutôt de rivales. Chevets aussi riches et aussi exubérants dans leur décoration pour l'une que pour l'autre. Impression qui est donnée par le jeu des matériaux en bas de chaque pan d’abside : alors qu'à Rétaud, les maçons se contentent de les disposer en opus spicatum (en épis de blés), à Rioux, ils s'amusent à varier les motifs : en faisant varier les épis de blé avec des écailles de poisson. Puis, on monte les colonnes qui marquent les pans coupés de l'abside (5 dans les deux cas).
A Rétaud, on se contente de faire des colonnes télescopiques, doublées de colonnes plus fines qui soutiennent les arcs déployés au-dessus de chaque fenêtre. A Rioux, on reprend le principe des colonnes allant en diminuant mais on fait reposer l'arc entourant la fenêtre sur des pilastres à l'ornementation débridée, eux-même posés sur d'autres pilastres plus gros ornés de losanges en haut reliefs, volutes, crochets... leur imagination n'a pas de frontière. Pas de doute, on a fait plus riche que le voisin...
Côté modillons, pas facile de départager les impétrantes ! D'autant que certains ont été refaits au XIXème. Partout l'imagination des sculpteurs s'en est donné à cœur joie ! Et là, c'est vraiment match nul. A vous de trouver à quelle église appartient chaque bande. La suite devrait vous aider.
Car qu'on ne s'y trompe pas, Rétaud ne s'est pas tenue pour battue et a décidé de rivaliser à son dans l'invention décorative. Qu'on en juge par l'ornementation des arcatures qui courent dans la partie haute de l'abside. A Rioux, en haut, elles sont riches, certes, mais arrivés à ce point de construction les maçons de Rétaud (en bas) ont eu un sursaut d'inventivité : non contents de sculpter le moindre espace entre les corbeaux, après avoir transformé leurs arcs en vrais "mini-portails" et orné richement les tailloirs de leurs chapiteaux, ils doublent les colonnes et, mieux, inventent une solution originale pour les côtés des différents pans de l'abside. Ils coupent les grosses colonnes engagées à la hauteur des petits chapiteaux et rajoutent au-dessus une toute petite colonne cannelée, surmontée d'un chapiteau corinthien qui accentue encore la diversité de l'architecture. Et, ravis de leur audace, sculptent des grosses fleurs à quatre pétales sur l'aplat de la corniche ! Gagné !!
Une bataille qui nous a laissé deux églises passionnantes, d'une inventivité décorative étonnante et qu'il est fort amusant de comparer dans un "jeu des 7 erreurs" permettant de mieux les apprécier dans leurs moindres détails. Et franchement, pas moyen à la fin de les départager. Un couple parfait pour l'éternité !
Jumelles, elles ne le sont pas par leurs façades, résolument différentes. Celle de Rioux, à gauche, défigurée par l'érection tardive du clocher, se terminait à l'origine, comme celle de Rétaud, par un fronton triangulaire. Mais alors que la seconde présente un portail tripartite très saintongeais, scandé par 4 grosses colonnes encastrées reliées par une corniche à modillons, et constitué de trois arcatures dont celle du centre est plus large et plus profonde, Rioux arbore un portail unique à 4 voussures, très développé et surmonté d'une série d’arcatures aveugles, dont les deux dernières retombent sur de hautes colonnes qui flanquent la façade sur tout sa hauteur.
Toutes les colonnes sont ornées et les arcs sont richement décorés. L'arcature centrale abrite une Vierge à l'enfant, inscrite dans une mandorle autrefois soutenue par des anges. Motif qui rappelle celui qu'on admire à Pérignac, tout à fait en haut de la façade. L'occulus qui la surmonte date de la construction du clocher, nettement plus tardive (XVème), deux modifications qui ont singulièrement rompu l'harmonie de l'ensemble.
A gauche la vue intérieure de la nef de Rioux (plan au centre) qui, photographiée de l'entrée, ne laisse même pas deviner les ajouts postérieurs et restitue l'élévation originale de l'église. Proche, on peut le constater, de celle de Rétaud.
Alors que Rétaud a conservé son organisation initiale : si le clocher octogonal est ici aussi du XVème siècle, il a été construit sur la souche du clocher roman, au-dessus de l'arc triomphal. C'est d'ailleurs à cet endroit que se trouvait le clocher initial de Rioux, ainsi qu'en témoignent les fortes colonnes accolées à des pilastres que l'on voit dans la 4ème travée. Si l'on s'en tient aux constructions romanes, les deux églises se ressemblaient fort : nef unique à 4 travées, clocher posé au dessus de l'arc triomphal, comme si on avait eu l'intention de rajouter un transept ultérieur.
Mais ce sont essentiellement par leurs chevets que ces églises peuvent être qualifiées de jumelles, ou plutôt de rivales. Chevets aussi riches et aussi exubérants dans leur décoration pour l'une que pour l'autre. Impression qui est donnée par le jeu des matériaux en bas de chaque pan d’abside : alors qu'à Rétaud, les maçons se contentent de les disposer en opus spicatum (en épis de blés), à Rioux, ils s'amusent à varier les motifs : en faisant varier les épis de blé avec des écailles de poisson. Puis, on monte les colonnes qui marquent les pans coupés de l'abside (5 dans les deux cas).
A Rétaud, on se contente de faire des colonnes télescopiques, doublées de colonnes plus fines qui soutiennent les arcs déployés au-dessus de chaque fenêtre. A Rioux, on reprend le principe des colonnes allant en diminuant mais on fait reposer l'arc entourant la fenêtre sur des pilastres à l'ornementation débridée, eux-même posés sur d'autres pilastres plus gros ornés de losanges en haut reliefs, volutes, crochets... leur imagination n'a pas de frontière. Pas de doute, on a fait plus riche que le voisin...
Côté modillons, pas facile de départager les impétrantes ! D'autant que certains ont été refaits au XIXème. Partout l'imagination des sculpteurs s'en est donné à cœur joie ! Et là, c'est vraiment match nul. A vous de trouver à quelle église appartient chaque bande. La suite devrait vous aider.
Car qu'on ne s'y trompe pas, Rétaud ne s'est pas tenue pour battue et a décidé de rivaliser à son dans l'invention décorative. Qu'on en juge par l'ornementation des arcatures qui courent dans la partie haute de l'abside. A Rioux, en haut, elles sont riches, certes, mais arrivés à ce point de construction les maçons de Rétaud (en bas) ont eu un sursaut d'inventivité : non contents de sculpter le moindre espace entre les corbeaux, après avoir transformé leurs arcs en vrais "mini-portails" et orné richement les tailloirs de leurs chapiteaux, ils doublent les colonnes et, mieux, inventent une solution originale pour les côtés des différents pans de l'abside. Ils coupent les grosses colonnes engagées à la hauteur des petits chapiteaux et rajoutent au-dessus une toute petite colonne cannelée, surmontée d'un chapiteau corinthien qui accentue encore la diversité de l'architecture. Et, ravis de leur audace, sculptent des grosses fleurs à quatre pétales sur l'aplat de la corniche ! Gagné !!
Une bataille qui nous a laissé deux églises passionnantes, d'une inventivité décorative étonnante et qu'il est fort amusant de comparer dans un "jeu des 7 erreurs" permettant de mieux les apprécier dans leurs moindres détails. Et franchement, pas moyen à la fin de les départager. Un couple parfait pour l'éternité !