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Channel: Bon sens et Déraison
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La logique de la tomate

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Réflexion de saison : il faut dire qu'Alter a fait fort cette année. En tant que digne néo-retraité, il s'est mis corps et âme (oui, j'insiste, âme : il leur parle à "ses" tomates, et plus encore à "ses" olives qu'il soigne avec une attention jalouse, car il escompte cette année une "production" d'huile hors norme !) au jardinage. Modeste, certes, bien qu'il m'ait planté une citrouille genre terroriste, qui envahit tout et me promet une récolte qu'il va falloir que j'écoule sur le marché de Meschers ... surtout centrée sur la plantation phare de l'été : la tomate.


Et, soins méticuleux aidant, les plants, dressés contre un mur plein sud qui leur renvoie toute la chaleur du soleil à la puissance deux, "ses" tomates donnent tellement qu'on en est déjà à la phase "congélation". Cela provoque, chaque matin, des séances de pelage, épépinage, découpage, mijotage et tutti quanti ... intensives et, même si on essaie de varier les usages, cela tourne autour du velouté, froid ou chaud, des soupes diverses à base de tomate, toujours, des minestrones, salades, tartes, ratatouilles, des sauces ou gaspachos... j'en passe et de plus succulents.


Or ce matin, où l'exercice fut assez long pour favoriser l'introspection durant ces tâches un tantinet répétitives, il m'est venu à l'idée que finalement, la logique de la tomate, c'est un peu la logique de la vie. On part de graines (merci Madeleine !!! c'est elle qui élève nos plants) qu'on dorlote avec une tendresse particulière et qu'on chouchoute jusqu'à leur mise en terre. Et là, on commence à les arroser, avec ferveur et intensité, on les abreuve, on les souhaite grosses, rondes, épanouies, riches en sucs divers et parfumés. Et quand, enfin, elles sont belles et mûres à point, on les cueille d'une main sûre et rapide : clac, au panier. Dès lors, on n'a plus qu'un objectif : les faire réduire. Toute cette eau généreusement dispensée pour les rendre appétissantes et girondes, on la fait s'évaporer de façon à n'en conserver que les saveurs les plus pures. Se donner tant de mal dans un sens pour finir par s'appliquer à faire exactement l'inverse, voilà ce que j'appelle "la logique de la tomate".


Ainsi va la vie ! Nous avons aussi arrosé les nôtres (de vie) de mille occupations "importantes", incontournables, chronophages, couru après les heures, accumulé les impératifs, vibrionné jusqu'à l'épuisement, persuadés que nous étions que tout cela était de première urgence. Nous avons rempli, entassé, amassé, jalousement, frénétiquement, et surtout avec le sentiment profond que nous devions agir ainsi. Un devoir sacré, qui nous rendait "vivants". Et nous voilà, quelques mûrissements plus tard, encombrés et marris : il faut "devenir" sages et apprendre à élaguer, relativiser, ne conserver de nos outrances et de nos ferveurs que le plus important. Réduire, à petit feu, dompter d'abord, soumettre nos espoirs et nos attentes, pour les rabattre ensuite, doucement pour commencer, et plus drastiquement ensuite. Il nous faut ordonner, trier, jeter beaucoup de nos envolées adolescentes et de nos ambitions adultes, pour en revenir à l'essentiel. Cela s'installe sans crier gare et cela s'appelle, selon les cas et les circonstances, la circonspection, la tempérance, la prudence ou simplement la retenue. Plus de révoltes, ou maîtrisées, plus de colère ou positivées, nous devenons plus calmes, plus philosophes, modérés en un mot. C'est un apprentissage, un chemin vers l'essentiel auquel la vie et ses avatars mortifiants nous contraint quoi qu'on die ! Et je ne vous parle des réductions ultimes, celles dont nous constatons, angoissés, les effets sur les personnes que le grand âge plie et soumet. En gros, me disais-je ce matin en touillant ma ratatouille et en goûtant mon minestrone, la vie, c'est la logique de la tomate. Et qui sait si la visite, hier soir, à un "monsieur" qui fut grand (et qui l'est encore), pugnace, exalté et chargé d'idées à défendre, et qui, sans perdre rien de sa force de caractère, s'extasiait avec une candeur émouvante sur la beauté de "ses" roses, ne m'a pas convaincue encore plus que, finalement, cette logique est belle et source de sérénité.

Il paraît que nous en auront le double l'an prochain : quand le Moulin du Puits salé de Saint Martin de Ré aura pressé "notre récolte" !!

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