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Channel: Bon sens et Déraison
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Festival Off Avignon 2015 (5) (ZigZag, Fuck America, Pédagogies de l'échec, Bérénice)

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3 au 26 juillet 11h01 durée : 1h20
Théâtre de La Luna


Résumé du spectacle 
Et si vous aviez, durant le même spectacle, la 1ère scène du Médecin malgré lui de Molière mis en scène de 3 façons différentes ? ZIGZAG, vous propose cela ! Un joli regard sur la mise en scène, une façon de voir le Théâtre avec amour, une occasion de soulever le rideau de la création et de comprendre les enjeux du choix d’un metteur en scène, dans un spectacle ludique, enjoué et surprenant! Après la fabuleuse aventure des coquelicots des tranchées de l’an dernier, qui leur a valu le prix du public OFF 2014 et le Molière 2015 du meilleur spectacle Public, c’est à cette aventure que Les larrons vous convient avec délectation.

Mon avis
Avec Xavier Lemaire et sa troupe des Larrons, on assure ! Donc nous sommes allés voir Zigzag conquis d'avance ! Et nous ne nous sommes pas trompés.
L'idée est bonne : nous parler du travail du metteur en scène, de l'enjeu que représente, pour celui qui monte un texte, son interprétation, la façon dont il fait vivre, pour nous spectateurs, les mots de l'écrivain, la façon dont il joue sur les sons, sur l'espace pour nous faire entendre ces phrases, son art de les actualiser ou de dire leur intemporalité... bref, nous parler de ce métier tellement important du "passeur de texte". Xavier Lemaire le fait avec humour, une pointe de pédagogie et quelques petits coups de griffe qui nous ont rappelé combien cet art est difficile. Quelques citations bien choisies (Louis Jouvet, Ariane Mouchkine ...), quelques rappels historiques, sans pédanterie, un petit hommage aux techniciens, une fausse audition qui trace les portraits-types d'aspirants acteurs tels que tout metteur en scène doit en croiser parfois... voilà pour le liant ! Quant à l'argument, c'est, modestement mais efficacement, la première scène du Médecin malgré lui (Ô la grande fatigue que d’avoir une femme : et qu’Aristote a bien raison, quand il dit qu’une femme est pire qu’un démon !) jouée à trois sauces différentes, classique, symboliste et ... spécial bobo du in (??!!). Et là, franchement, on rit beaucoup !
Isabelle Andréani et Frank Jouglas sont partout, jouent tous les rôles et tiennent la scène avec la fougue et l'enthousiasme qui les caractérisent. En particulier Isabelle qui brûle les planches, a le jeu chevillé au corps et une belle énergie, matinée de son inépuisable joie à dire, jamais prise en défaut. "Le" metteur en scène joue, on s'en doute, son propre rôle : et s'il nous faut, pour être crédible dans notre enthousiasme, un petit bémol, il n'est pas encore tout à fait "calé" mais quoi de plus normal, c'est une création et on en est encore aux premiers jours.
Alors, comme chaque année, n'hésitez pas un instant : allez applaudir Les Larrons et vous en sortirez requinqués pour la journée, prêts à affronter les mises en scène les plus étranges !


5 au 25 juillet relâche le 15 juillet 13h25 durée : 1h35
La Manufacture

Résumé du spectacle
Au commencement il y a un roman explosif. Une verve féroce, drôle et bouleversante. Jakob Bronsky, rescapé de la Shoah, hante une Amérique des laissés-pour-compte, bien loin du rêve de terre promise. Écrivain la nuit, crève-la-faim le jour, il trimballe de petits boulots en rencontres loufoques, son appétit de vivre, les affres de la création et des fantasmes torrides. Le comédien Haïm Menahem et le musicien David Rueff se mettent au service de cette langue virtuose. Edgar Hilsenrath est un auteur contemporain capital pour son exploration de la mémoire de l’Holocauste.

Mon avis
... prêts, disais-je, à affronter les mises en scène les plus étranges, mais pas prêts à subir un texte pauvre sur un sujet grave. Quel ennui que ce texte qui traîne et que l'acteur a l'immense mérite de nous débiter sans faiblir et même, avec une certaine force de conviction. Le thème, pourtant, est intéressant, et aurait dû retenir notre attention si la pièce n'était totalement déséquilibrée, s'attardant avec une complaisance qui ne connait aucun répit, sur les délires sexuels et onaniques du personnage principal. Parler de la difficulté d'avoir survécu à l'holocauste, du sentiment de la patrie perdue, de l'immense solitude des vivants quand leur famille entière a été décimée, de la cruelle déception du rêve américain, de l'angoissante terreur de "mourir ici après avoir survécu à l'horreur des camps"... tout cela est nécessaire et devrait emporter l'adhésion. Mais le texte d'Hilsenrath noie inutilement le poisson en se voulant drôle ou léger, n'émeut jamais et, au final, assomme. Je pense, sans l'avoir lu, que le livre est certainement bien plus intense et que l'exercice de l'avoir "allégé" pour le théâtre était périlleux et lui a sans doute enlevé sa force. Je lis qu'on compare Hilsenrath à Roth, et j'ai justement invoqué Roth alors que je déplorais le manque d'émotion éprouvé devant ce spectacle.
Chapeau au comédien Haïm Benahem, qui arrive tout de même à se faire écouter durant 1h35 et une mention spéciale pour l'excellent accompagnement au saxophone qui ponctue le texte avec plus d'esprit que ce dernier n'en transmet dans cette version théâtrale. Une étoile pour chacun !!


4 au 26 juillet relâche le 14 juillet 17h durée : 1h30
Théâtre des HALLES

Résumé du spectacle 
L’imminence de la catastrophe. Cela pourrait se passer n’importe où à Monaco comme à Beyrouth dans une ville où tout est tombé. Les gens se sont retrouvés dans des ruines. Certains ont continué à travailler quand même, comme s’ils ne s’étaient rendus compte de rien. Ils continuent à faire leur travail... ou plutôt " faire du travail..."

Mon avis
C'est une comédie, mais elle est féroce puisqu'elle parle de la vanité du pouvoir auquel on s'accroche, quand on le détient, quoiqu'il arrive, fut-ce une catastrophe où l'on a tout perdu. Même ce qui justifie l'exercice même de ce pouvoir. Les deux personnages sont ici isolés sur un improbable îlot de survie alors que, autour d'eux, tout a disparu. Pourtant dans leurs têtes, tout perdure : les lois immuables et impitoyables de la hiérarchie, l'immunité que le pouvoir confère, les humiliations qu'il permet d'imposer, la servilité avec laquelle on doit les subir...
La pièce, un peu longuette et sans grand ressort autre que ceux du thème principal sur lequel l'auteur brode à loisir, vaut surtout pour sa mise en scène et pour  la performance d’Olivia Côte et de Salim Kechiouche qui, sur un plateau qui s'incline de plus en plus, trahissant l'angoisse et la tension palpables de cette apocalypse imaginaire, les force à s'agripper et les fait souvent glisser au bord de l’abîme. Malgré l'inconfort de la situation et les acrobaties auxquelles ils doivent se livrer pour rester en piste, leur diction est parfaite et leur jeu convaincant. C'est drôle, même si l'on rit jaune, et pathétique... même si l'on peut regretter que cela s'éternise un peu et que la conclusion soit un peu "courte".


6 au 22 juillet relâche les 10, 17 juillet 20h15 durée : 1h40
Caserne des pompiers

Résumé du spectacle 
"Pièce puissante et poétique, Bérénice déploie un courant d’émotions que peu d’œuvres (n’)égalent. La langue y tient une place de choix au service de personnages d’une grande intensité. Tragédie de la responsabilité et non de l’arbitraire, elle ne se résout pas dans le sang mais dans les larmes de décisions implacables qui font appel à la volonté. Bérénice et Titus sont dans cet intraitable dilemme : l’un d’eux devra trancher. Et, comme il m’est souvent arrivé de le constater dans ma propre existence, en matière de sentiments la raison est féminine, comme aussi le courage…" O. Chapelet

Mon avis
L'histoire, on le sait, est tragique, et le combat de Titus pour faire triompher la raison d'Etat de son amour passionné pour la femme qu'il aime depuis longtemps reste, sinon d'actualité, au moins intemporel. Car il fait partie de ces conflits de l'âme qui émeuvent toujours ! Pas de sang mais un drame, qui fait trois victimes, excusez du peu, et on ressort de là quelque peu perturbé.
Et surtout enthousiaste, car la mise en scène d'Olivier Chatelet est très sensible, poignante et, de fait, très prenante. Au lieu du tragique qui sied à ce texte mais risque de trop l'éloigner de nous, le metteur en scène a impulsé à Racine une douceur extrême, douloureuse et inexorable, qui rend chaque personnage terriblement humain. La mise en espace, sobre et modeste, met le texte en valeur et la diction parfaite des acteurs en rend chaque mot lumineux. C'est vraiment un grand et beau moment de théâtre, pas si difficile que le sévère mot d'alexandrins pourrait le faire croire : le vers de douze pieds, quand il est bien dit et justement interprété par le comédien, est d'une clarté irréprochable. Seules s'expriment la déchirure et la blessure de ces trois âmes nobles, contraintes à renoncer à leur bien-être pour une raison plus forte. Je vous assure, ce sont des sentiments qui touchent encore, et toujours !!

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