"Ils" : ce sont les italiens... imaginez notre dépit quand, fièrement plantés dans l'embouchure d'un des multiples bras du Pô, nous avons découverts ces alignements si proches de ceux de notre estuaire ... sophistication technique en prime !
Car ces trabucchi (1), autrement dit trébuchets, sont là-bas monnaie courante. Mais leurs équipements - filets, taille impressionnante des balances, système de relevage électrifiés, grandes cabanes fort bien aménagées - rendent bien pâles nos petits carrelets tout cabossés et faits de bric et de broc !
Surtout présents sur les côtes du côté du Monte Gargano (et ce, d'autant plus que leurs poteaux sont souvent fabriqués dans des pins en provenance de cette région), ou encore dans les Abruzzes ou le Molise, on en trouve en fait tout le long de la mer Adriatique et ceux que nous avons photographiés, à Cervia font partie de cette longue entreprise de pêche "à vue" qui intercepte les flux de poissons qui se déplacent le long des côtes italiennes.
Selon la tradition, le trabucco aurait été importé par les Phéniciens, mais leur existence documentée remonte au XVIIIe siècle, période au cours de laquelle les pêcheurs du Monte Gargano ont conçu cette ingénieuse technique de pêche qui leur permettait de pêcher depuis la côte et, ainsi, d'échapper aux conditions météorologiques difficiles de cette région. La côte étant fort rocheuse, on pouvait en installer sur chaque promontoire.
Ceux de la plaine du Pô sont moins impressionnants mais le principe reste le même : une construction traditionnelle, en principe en pin d'Alep, très courant et bien élastique, résistant aux intempéries et au sel, souvent financée grâce à des aides de fonds publics, car c'est devenu une curiosité touristique. S'ils ont perdu leur fonction économique, les trabucchi sont, comme chez nous, d'agréables petites villégiatures où l'on se rend en famille, pour se détendre et tenter de prendre quelques poissons.
On s'installe dans la cabane et c'est de là que, grâce à un moteur télécommandé, on monte et on descend le trabocchetto, filet à grosses mailles suspendu entre les antemne (bras) qui le maintiennent, à grands renforts de filins et d'amarrages en tous genres, au-dessus de l'eau.
Et forcément, avec un tel confort de maniement, ils sont utilisés ces trabucchi : la preuve ! Mais nous n'y avons pas vu beaucoup de plus prises de chez nous, bien que les pécheurs passent leur temps à monter et à descendre le filet.
Tous ne sont pas aussi sophistiqués que ceux de la région de Cervia, la preuve celui-ci, vu à Mesola et où la cabane était remplacée par un simple fauteuil !!
Mais son propriétaire, assis plus loin à l'ombre, maniait le filet grâce à une poulie électrique, il avait amené sa petite batterie et manœuvrait consciencieusement l'engin, aller, retour, sans grand succès mais au moins sans se fatiguer.
Pourtant, qu'on me pardonne mon chauvinisme,
nos carrelets sont définitivement plus "jolis" !!
(1)
Trabucco ou encore trabocco, et même travocc dans certains dialectes du sud : le sens originel est piège profond , puis le terme a été appliqué à de hautes constructions en bois militaire (trébuchets) utilisées au Moyen Age pour assiéger rivaux forteresses. Voir: Ottavio Lurati, Toponimi e GEOLOGIA , en sémantique , XXIX, Numéro 2, Décembre 2008, 446.
Source Wikipedia