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La peinture mystère de la National Gallery : Pietro Bellotti ?

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National Gallery, salle des peintres italiens et espagnols du XVIIe siècle. Vélasquez, Zurbaran, Murillo répondent à  Caravage, Dolci, Pierre de Cortone ... quand, tout à coup ...
Tiens ? qu'est-ce que cela représente ? Surprenante cette peinture !!
On s'avance vers le globe qui occupe tout le quart en bas à gauche de la toile, on scrute les petits personnages qui l'animent, on tente de trouver un sens, une histoire ... puis on s'attache à déchiffrer le décor de la bouteille, les rides du vieillard souriant qui la brandit vers nous ... et Alter me met au défi "Il faut absolument que tu mènes l'enquête et que tu éclaircissses le mystère". Gant relevé : me voici, face aux photos rapportées, aux détails examinés à la loupe, prête à tenter pour Alter d'en savoir plus.

An Old Man holding a Pilgrim-Bottle probably 1650s, annonçait sobrement le cartel, doublé par une petite affichette de présentation. Où l'on apprenait que "le vieil homme aux hardes rapiécées et à la cruche pose sa bouteille sur un globe. Celui-ci révèle une scène de noceurs campagnards, dansant au coucher du soleil". Suivaitt une description de la fameuse bouteille de pélerin, équipée de courroies pour être attachée à la taille du voyageur. Dernière suggestion : la peinture pourrait faire allusion à la sagesse du pérégrin qui a visité le monde. Le peintre proposé étant, nous disait-on enfin, inconnu.  Et la toile placée coté des peintres espagnols.

Que voilà du grain à moudre. A l'oeuvre Michelaise !

Autoportrait incarnant la stupeur (Galerie des Offices, collection privée)

Le peintre, tout d'abord. Un inconnu qui manie le pinceau avec une telle dextérité : il y a de quoi avoir des doutes. Des noms ont forcément été avancés, et le plus probable est celui d'un certain Pietro Bellotti, né aux alentours de 1627 dans la province de Brescia (1) qui se fit une solide réputation dans la peinture de portraits et "têtes de caractère", presque de trognes. (2)
Il travailla pour le cardinal Mazarin, pour Ottoboni, futur pape Alexandre VIII, pour l'électeur de Bavière et d'autres commanditaires prestigieux. Après avoir navigué de cour en cour pour y vendre, avec succès, son talent, il revint sur le lac de Garde et mourut dans la pauvreté, comme souvent pour les peintres quel que soit leur talent,  à Gargnano en 1700.  


Son autoportrait des Offices nous le montre jeune, (la toile est datée de 1658, il a donc à peine plus de 30 ans), fort élégant, vêtu de soieries et de brocards, coiffé d'un bonnet de velours rouge, bordé d'une fine hermine blanche et orné de galons et d'un joli pompon de passementerie. Il arbore un large sourire : le peintre, c'est clair, aime représenter des expressions marquées, voir au-dessus son auto-portait complètement stupéfait ! Bellotti tient délicatement, dans une main presque manucurée, un verre de vin blanc, en cristal bordé d'or. Enroulée autour du pied du verre, une lourde chaîne d'or est brandie vers le spectateur, et vient se nouer sur le pouce de l'artiste. Le large médaillon pendu sur le bijou est sans doute doté d'une signification qui m'échappe. La main gauche de l'homme est ouverte comme pour nous adresser un signe et il tient entre le pouce et l'index un petit papier sur lequel on peut lire "Hinc Hilaritas".


La cause est entendue, l'homme veut peindre les visages mais aussi les humeurs, et n'hésite pas à élargir les lèvres de ses modèles d'un éclatant sourire, chose assez peu courante dans la peinture du XVIIe. Celui de notre vieillard est évident, quoique largement enfoui sous son épaisse moustache et que ses lèvres n'apparaissent pas, cachées dans une pilosité abondante.


Une autre caractéristique de Bellotti portraitiste est qu'il ne se contente pas de cadrer un visage mais aime à mettre en scène ses personnages, truffant, nous l'avons vu pour ses auto-portraits, la toile de détails pittoresques. Ainsi la Parca Lachesi, la parque Decima (Lachesi est son nom grec), vieille femme à la peau fripée et aux mains malhabiles, figure celle des trois sœurs qui agit sur le sort.
Les Parques sont trois sœurs, Nona, Decima et Morta dont les origines sont très floues, selon les versions, filles de Jupiter (Zeus) et de Junon (Héra) ou de Thémis, soit de Nox (Nyx, la nuit) et de l'Érèbe, soit, selon quelques poètes, de Nécessité (Ananké) et du Destin. Elles exercent leurs fatales fonctions depuis l'origine des temps et sont aussi vieilles que la Nuit, la Terre et le Ciel. Lachesi a la charge de dérouler le fil de la destinée et le met en fuseau. Ses vêtements sont quelquefois parsemés d'étoiles, mais Bellotti a choisi d'orner son voile de grosses fleurs et on la reconnaît au grand nombre de fuseaux entassés pêle-mêle dans un panier derrière elle. Traditionnellement elle arbore des draperies de couleur rose, et l'artiste a scrupuleusement respecté la convention en la dotant d'une large ceinture de soie de cette teinte.


Le musée des Beaux Arts de Caen possède une autre Parque, réalisée elle aussi par Pietro Bellotti : il s'agit cette fois d'Atropos (Morta en latin), c'est-à-dire « inévitable » en grec. Elle coupe impitoyablement le fil qui mesure la durée de la vie de chaque mortel. Représentée en général comme la plus âgée des trois sœurs, elle n'est pas épargnée par le peintre : visage triste et profondément ridé, elle  tient  trois pelotons de fil plus ou moins garnis, symbolisant la longueur ou la brièveté des vies mortelles dont elle est en train de rompre le cours, de la main droite qui tient un ciseau à l'ancienne. Bellotti aime les références iconographiques précises et respecte la symbolique au plus près, ce qui devrait nous aider à mieux comprendre la toile de Londres.


Cette toile, attribuée lors de la récente vente qui l'a mise sur le marché, à Milan en 2010, à Girolamo Forabosco (3), et réattribuée depuis, avec plus de vraisemblance à mon sens (voir plus bas le style de Forabosco) à Bellotti, reprend ce goût de l'anecdotique et du détail soigné. Cette "scène de genre" devenue lors de sa réattribution une "leçon de géographie" montre, dans un cadrage serré typique du peintre, le maître, âgé, vêtu de bure et largement barbu, mains posées sur un globe terrestre aux teintes grises, se regardent intensément. Les doigts sont longs et noueux du vieux sage sont, à mon sens, tout à fait dans le genre de l'artiste. Ce serait, bien sûr, une oeuvre de jeunesse, sans doute exécutée dans l'atelier de son maître, ce qui explique l'influence de ce dernier et la confusion possible entre les deux peintres. Mais ensuite, Bellotti se détache de l'ascendant de son formateur et développe son propre style, plus naturaliste, proche de Ribera ou de Giovanni Do. Cette leçon évoquant d'ailleurs par l'ambiance une autre leçon, plus énigmatique, de Do au musée de Bordeaux et largement étudiée dans ce blog, et qui date des années 160-1640.


En avançant dans la carrière, son trait s'affirme, sa complaisance à l'égard de la joliesse disparait et il campe des personnages désormais très caractérisés, ciselés par les ans et aux chairs abîmées. Dans le Socrate (d'une collection privée de Brescia, on peut raisonnablement supposer que c'est une oeuvre tardive), on retrouve un tissu aux teintes chatoyantes comme dans la Parque Lachesi, et une foule d'objets et de livres qui "racontent" le sujet de la toile. C'est la marque de Bellotti.


Doué d'un véritable "génie de la décrépitude" (4), on lui doit maintes effigies marquées, usées par la vie, mais jamais séniles. Ses modèles regardent souvent franchement le spectateur, droit dans les yeux, sans honte de leur déchéance physique, ne cachant rien de leurs peaux abîmées.


La vieille femme du Louvre en est un exemple frappant (5). Coiffée d'un bonnet plat, la vieille offre sans retenue ses traits déformées par l'âge. Son col largement ouvert laisse entrevoir une gorge encore musculeuse et une poitrine avachie qu'on devine presque à hauteur de la taille.


Présentée de profil, tournée vers la gauche, et tenant fermement un linge brun entre ses mains boursouflées, elle rappelle singulièrement la servante de Judith dans l'impressionnante toile du Caravage du Palazzo Berberini; l'air un peu moins mauvais, cependant ! Mais Bellotti est toujours très bienveillant avec ses modèles, qu'il peint avec une sorte d'empathie qui rend leurs rides presque belles.


A part ses propres portraits Bellotti représente le plus souvent des personnes âgées, à la peau très marquée par les rides, usée par la vie et épaisse, un peu à la façon de Ribera. Le vieux chanteur, collection milanaise privée, et le pélerin avec un bâton de Dallas, sont très proches dans l'inspiration anecdotique mais surtout par la polychromie, de notre personnage londonien. Dans les trois toiles on reconnait les mêmes vêtements aux détails pittoresques et aux grossières coutures apparentes, le ton brunâtre de l'habit, mis en valeur par le blanc éclatant d'une chemise grossière, un cadrage serré au niveau du buste qui permet de mettre en évidence, au tout premier plan, les mains. Les critiques proposent de situer ce groupe d’œuvres à la maturité de l'artiste, en raison de l’utilisation de belles accentuations lumineuses, chargées de matière, expression d’un naturalisme inspiré et virtuose qui dénote une évidente évolution de son style (5). Ces trois toiles soulignent la réelle virtuosité de l'artiste lombard, brillant interprète d’un paupérisme original et nouveau, avec des résultats qui font penser aux équivalents français et espagnols, notamment pour le côté dépouillé de la pose et les francs éclats de lumière de lumière sur la peau des modèles. Le musicien, ci-dessus, brosse une figure isolée de chanteur de rue, qui bat la mesure de la main droite tandis qu'il tient, de l'autre, une partition qui s'enroule sur sa main. Il jette un regard de côté, vers un auditoire attentif qui l'écoute chanter. Il est très concentré sur sa tache et, contrairement au modèle de Londres, ne sourit pas.


Le pélerin du Museum of Arts de Dallas, très lumineux aussi, présente un personnage très ressemblant, quoiqu'un peu plus jeune que le précédent, à l'habit moins rapiécé, au même chapeau de feutre abîmé et qui, armé d'un bâton, semble nous montrer la voie en esquissant un début de sourire, du moins d'un air engageant et doux. Le seul détail anecdotique est constitué par son sac de cuir, usé par le temps et les intempéries, qui s'orne d'une croix rouge, qui évoque vaguement la croix de l'ordre de Santiago. Il émane de ce visage apaisé une très forte humanité, soulignée par les traits de lumière qui illuminent l'homme, venant de la gauche.


La peinture de Londres s'inscrit exactement dans cette suite d’œuvres reconnues comme étant de Bellotti : même chromatisme de bruns délicatement éclairés par le blanc éclatant de la chemise, mêmes hardes recousues à grands points, et si le bord du chapeau a ici disparu, coiffant le personnage de ce qui est plus proche d'un bonnet, sa barbe en bataille et sa peau burinée le font ressembler comme un frère aux deux autres. On peut donc, sans trop d'erreur, admettre l'attribution de la toile à Pietro Bellotti, sans pour autant la dater, comme pour les deux autres, des alentours de 1660-1670. Nous verrons pourquoi plus tard.


Une fois qu'on a identifié le peintre, il reste un travail nettement plus difficile, tenter de déchiffrer l'iconographie, franchement énigmatique, de la toile. Les conservateurs du musée dans leur analyse, se sont surtout attachés à cette bouteille en gré décoré, beige ornée d'arabesques orangées, et dont la forme caractéristique leur a fait supposer que l'homme était, encore, un pèlerin. Mais l'hypothèse semble peu probable car le vieillard s'appuie, non sur un bâton, mais sur une béquille. Dire qu'il a acquis la sagesse au cours de ses pélerinages et qu'il s'appuie sur un globe qui évoquerait ses voyages me semble peu crédible. Surtout quand on regarde son visage réjoui contemplant la bouteille. Fiasque d'ailleurs bien trop grosse pour être un ustensile de voyage, et bien trop décorée pour être appartenir à un humble pèlerin !

Hendrik Ter-Brugghen - Démocrite

En fait, ce qui est le plus difficile à comprendre dans cette toile, c'est le globe sur lequel l'homme appuie son litron. Certains, arguant du sourire du modèle et de la présence de cette sphère qui semble terrestre, ont voulu y voir Démocrite, dont le caractère rieur était souvent associé à la présence d'un globe car il fut grand voyageur. Mais le rire du philosophe grec est amer et satirique. Il rit de la folie, du ridicule et plus généralement de la bêtise des hommes, il raille, il ne sourit pas. Le comique du monde est, pour Démocrite, l'équivalent du tragique qui fait pleurer Héraclite. Et, franchement, le visage du vieil homme peint par Belloti n'a rien de moqueur ou de désabusé, il a tout simplement l'air content. De plus, Démocrite est souvent représenté avec une grosse trogne rouge, le nez comme un lumignon, l'allure débraillée, et normalement assez jeune. L'hypothèse de Démocrite ne semble pas meilleure que celle du pèlerin.


Examinons de plus près cette étonnante sphère : on y voit non un globe terrestre mais bel et bien un paysage, fouillé, détaillé. Certes la forme générale est bien celle d'un globe, le travail de la partie droite donnant l'illusion parfaite d'un volume.


Mais, à gauche, c'est place à la nature : au loin, la lumière perce à travers les nuages et les teintes orangées de l'atmosphère font penser à un coucher de soleil. Une montagne, qui semble couverte de neige, clot l'horizon. Ce paysage est important pour l'artiste pour qu'il lui ait donné une telle place dans la toile. Au premier plan, se dresse une maison rustique, dont le toit semble de chaume. Une seule porte et, à l'étage, une fenêtre sommaire. Rien de très luxueux, on pense à  une auberge de campagne, modeste.


Quant à la scène animée qui occupe le devant de la scène, et réunit une douzaine d'hommes, presque tous habillés de sombre, elle reste malheureusement fort énigmatique. Au centre, un personnage en bleu-vert, affublé d'un tablier blanc, pourrait être l'aubergiste qui vient servir ceux qui sont installés autour d'une table, sur la gauche. Il semble chargé et les hôtes tendent le bras vers lui, attendant avec impatience la suite du repas. A droite, deux personnages se font face, ils semblent en grande discussion. Dernier détail mystérieux, 4 ou 5 hommes debout sont alignés près de la table. Vêtus de costumes noirs, à grande collerette brodée, ils ont une allure très "bourgeoise", et l'un d'eux (le plus à droite du groupe) semble tenir un livre ou un registre. L'interprétation du conservateur de la National Gallery est exclue : ce n'est pas une noce campagnarde. Mais plutôt une halte, un relais de poste où l'on se restaure ou se donne rendez-vous.


Alors, me direz-vous ? quelle proposition fais-tu Michelaise ? Tu ne cesses de contester toutes les analyses existantes. Si ce n'est ni un pèlerin ni Démocrite, il te faut bien aboutir à une conclusion. Les critiques ont voulu, sur la base du sujet - un homme âgé - rapprocher dans le temps et sur le modèle les trois toiles de vieillards. Pourtant, autant deux visages en effet se ressemblent, émaciés, allongés, autant me semble-t-il, le troisième est différent : plus large, plus "bonhomme" aussi ... la peau légèrement plus rosée, le sourcil moins épais; l'air moins grave.


Et à y bien regarder, cette forme de visage est finalement assez proche, quoique vieilli et encombré de poils, de l’autoportrait peint en 1658. Même mâchoire carrée, bien découpée, mêmes joues rondes et hautes pommettes, même nez assez fin, mais non busqué, même front large et surtout, cet identique air coquin et affable qui manque aux deux autres vieillards.
Alors ? Pourquoi pas un autoportrait de Bellotti vieillissant, sans doute postérieur à 1690, réalisé tout à la fin de sa vie. Il était revenu sur le lac de Garde, après bien des errances, bien des succès et après avoir parcouru toutes les cours d'Italie. L'habit que porte le modèle n'est pas celui d'un gueux, il est ravaudé mais solide et plutôt confortable. Il était, nous le savons, très pauvre malgré sa réussite professionnelle, ayant sans doute été fort dépensier, et il a fini sa vie dans la misère. Mais, sans doute, sans perdre sa bonne humeur, son amour du bon vin et la nostalgie de l'époque brillante de sa jeunesse. Durant laquelle, ses autoportraits en témoignent, il semblait être un joyeux drille. Il ne regarde plus le spectateur, il a les yeux baissés vers ce qui fut sa vie : ce flacon de belle facture qui semble rescapé du temps de sa splendeur et dont le contenu le fait encore s'attendrir et sourire : il a toujours aimé le vin et avait tout, jeune, d'un bon vivant. Mais surtout, et cela me semble pour mon hypothèse, l'argument majeur, le paysage auquel cette toile réserve une place de choix est tout à fait caractéristique des environs du lac de Garde. Et même très précisément du côté de Gargnano (la ville où le peintre finit sa vie) : on reconnait précisément la forme des montagnes qui surplombent la ville, à peu de distance, et sur une photo on les voit même couvertes de neige.

Un montage un peu sommaire permet de restituer l'horizon à la toile, en remplaçant celui peint par le peintre par une vue photographique des monts au-dessus de Gargnano. Si on est attentif, on peut même distinguer, sur le tableau, des reflets entre les arbres qui pourraient bien être de l'eau (à droite). La scène représenterait donc le pays natal, connoté, grâce au soleil couchant, d'une certaine nostalgie. L'épisode représenté serait alors le souvenir d'un moment important dans la vie personnelle du peintre, départ, réunion entre amis, rencontre avec de futurs commanditaires, moment qui se serait déroulé dans une auberge au pied du lac. Pourquoi pas le jour où, tout jeune, il fut (peut-être) invité par la suite du Cardinal Mazarin à venir à Paris ? L'homme debout devant l'auberge tiendrait alors non un livre ou un registre, mais un carton à dessins.

Joseph et la femme de Putifar par Girolama Forabosco

La biographie de l'artiste trahit une vie assez mouvementée pour expliquer ce "retour sur image" de fin de vie, après une existence bien remplie et fructueuse. Le lombard part, à douze à peine, pour Venise où il apprend le métier dans l'atelier de Girolamo Forabosco (1605-1679), où il restera jusqu'en 1670. C'est là qu'il se spécialise dans l'art du portrait, que son maître pratique de façon plutôt conventionnelle. Il a, nous l'avons dit, beaucoup bourlingué : on pense qu'il fit peut-être, dès 1660 (alors qu'il avait à peine plus de 20 ans) un séjour à Paris où il aurait travaillé pour Mazarin. Puis, à la fin des années 60, il réalise des toiles pour Ferdinand l'éléecteur de Bavière et sa présence semble avérée à Munich en 1668-69. En 1681, il devient surintendant de la Galerie ducale de la cour de Mantoue. poste prestigieux qui couronne sa carrière.


Cette oeuvre serait alors un dernier autoportrait, célébrant, comme les précédents illustraient la stupeur et le rire, la satisfaction d'une vie accomplie, une vieillesse un peu impécunieuse mais conservant intact le goût des plaisirs de Bacchus, et se prenant comme dernier modèle de la spécialité qui fit sa gloire. Ce serait aussi une sorte d'hommage à tous les gens âgés portraiturés durant son abondante carrière. Avec, comme une reprise picturale du Petit Liré de Du Bellay, un attendrissement sur le retour à la région natale, après bien des périples. On sent dans ce paysage aux teintes douces, vibrantes de lumière, une vraie tendresse dans la touche. Et la place qu'il occupe dans la toile semble affirmer que, la mort venant et la sagesse aidant, le monde peut aisément se résumer à ces horizons au charme irrésistible, à condition bien sûr, de ne pas oublier la dive bouteille !

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(1) Exactement à Volcano, près de Salo, dans la commune de Roé Volciano

(2) Il ne doit pas être confondu avec l'homonyme Pietro Bellotti, neveu de Canaletto et frère cadet de Bernardo Bellotti, connu comme védutiste, dans le genre de son oncle. Descendant de "notre" Bellotti, on sait qu'il séjourna à Toulouse de 1749 à 1776 et l'on voit d'ailleurs des oeuvres de lui au musée des Augustins ou à Narbonne. Mais aussi, bien sûr,à Ca Rezzonico.
Confusion que certains entretiennent à loisir, comme les attributions de vedute vendues dans les ventes publiques le montrent à la pelle : des vues de Venise, données à Pietro Bellotti (1627-1700) encombrent Art-Value et autres sites de résultats de ventes.

(3) Gerolamo ferabosco fut, à Venise, le premier maître de Bellotti, jusqu'en 1670.

(4) La formule est de Luciano Anelli (1997)

(5) Dotée d'une ancienne attribution à Ribera, la toile a été restituée à Pietro Bellotti  par Anelli (com. orale, 2000) qui souligne que la manière et la préparation sont caractéristiques du peintre, même si le fait que le tableau soit exécuté sur deux morceaux de toiles cousues ensemble peut surprendre chez un peintre célèbre et riche, ce qui coïnciderait avec la dernière phase créative de l'artiste, nettement plus impécunieuse que les précédentes. Cependant, selon Alessandro Morandotti, l'oeuvre ne peut être donnée à Bellotti lui-même (Béatrice Sarrazin, com. écrite, 1998).

(6) Francesco Frangi, cité dans Sweerts, Tanzio, Magnasco et autres protagonistes du Seicento italien, catalogue de la Galerie Canessso page 40.


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