Le peintre Gaston Balande, dont je vous ai déjà maintes fois parlé(1), était originaire de Saujon en Charente-Maritime. Quand il commença sa formation de peintre, il partit, comme il se doit, à Paris. de là, il eut, et c'est bien normal, envie d'un atelier "au vert", et vers 1905, il installa un atelier à Étaples sur la Côte d'Opale, qu'il garde jusqu'en 1913. À la déclaration de guerre, il ne put partir sur le front (réformé pour problèmes pulmonaires) mais s'engage comme infirmier bénévole à la Croix-Rouge de Saujon. En 1917, il fait partie de l’impressionnante cohorte d'artistes envoyés sur le Front pour peindre sur le vif des scènes de guerre.
En 1918, une exposition de ses œuvres est organisée pour la première fois à La Rochelle, et c'est à cette occasion qu'il découvre Lauzières. Se promenant dans la région à la recherche de paysages caractéristiques, il trouve, dans ce petit village proche de Nieul-sur-Mer la maison qui deviendra sa demeure charentaise, dans laquelle il viendra se réfugier en 1940 et qu'il habitera après avoir quitté définitivement Paris.
"Impressionné par le pittoresque de l'endroit, je m'installai et lavai une aquarelle de ce curieux endroit, bien à mon goût. Comme il est de coutume, un artiste-peintre posant son chevalet sur la voie publique attire toujours l'attention de nombreux spectateurs. Le cas ne manqua pas ici, dans ce village perdu parmi les marais salants de l'époque.
Ces curieux, qui m'apparurent à leur tenue appartenir à la marine, m'apprirent le nom du village : "Lauzières" dont la consonnance tinta favorablement à mes oreilles, tout en ignorant la qualité productrice de ce lieu" (extrait du manuscrit de Gaston Balande, Ruban d'une vie de la Belle Époque, 1957). Et, de fait, cette curiosité des "locaux" ne cessa jamais vraiment puisqu'une amie, née dans ce petit village, me racontait il y a peu que sa maman, petite fille, dans les années 50-60, s'amusait beaucoup de voir ce vieux monsieur, qui intriguait beaucoup les enfants, sillonner les marais, chevalet en bandoulière et pinceaux à la main.
Cette amie, voyant à la maison une toile de Balande représentant le petit port du Plomb me dit d'ailleurs d'emblée "oh mais je le reconnais, y-a-t-il le bateau de mon papa ?? mais non, suis-je sotte, papa avait un bateau à moteur !!!".
Car, près de Lauzières, dans cette zone marécageuse d'un charme discret mais plein d'attraits, s'ouvre le minuscule port du Plomb, aujourd'hui sans doute mieux aménagé qu'en 1905 mais toujours aussi vibrant aux variations de la lumière. L'origine du nom du port est controversée, certains voulant y entendre une déformation de "plum-tree", lieu de repos : ce seraient les Normands qui, s'étant fixés à cet endroit l'auraient baptisé ainsi, terme qui serait devenu "le plomb" dès le Xe siècle. Au-delà de cette interprétation un peu légendaire, il est certain que le port accueillait dès le Moyen-Âge nombre de navires par lesquels on faisait transiter les métaux provenant des gisements miniers proche, comme celui de Melle. Or, jadis, "plomb" désignait tous les métaux, le plomb, bien sûr, mais aussi l'argent ou l'étain.
Au XIe siècle, le port accueille déjà des bâtiments de fort tonnage. Ils sont approvisionnés en eau douce par la fontaine Grimaud, un aqueduc souterrain et une canalisation en plomb étant d'ailleurs encore en place. Au XIIIe, un pont est construit pour relier le port à Lauzières.
Au loin, le pont de l'île de Ré que Balande ne vit jamais, bien sûr !!
Dès le XVe siècle les terres du Plomb et de l'Houmeau sont réunies, et en 1608, Paul Yvon, seigneur de Laleu et de L'Houmeau, futur maire de La Rochelle (1626), entreprend d'importants travaux d'aménagement du port. Puis, au cours des siècles suivants, l'envasement progressif des côtes réduit son accessibilité et l'endroit tombe en désuétude. C'est l'implantation de l'huître portugaise qui, au début du XIXe siècle, redonnera vie à L'Houmeau et à Lauzières. Le père de mon amie, lui, était mytiliculteur, car, au début du XXe, la moule vient compléter l'activité locale.
Sûr que si Gaston Balande avait vu ce charmant petit pont pour piéton récemment reconstruit au fond du port du plomb, il en aurait tiré quelque jolie toile "à la Van Gogh" !!
C'est donc dans cet endroit plaisant, paisible et typique, que le peintre plante, dès le début du XXe siècle son chevalet, et qu'il y coulera de longues années sereines et créatives. Il acquiert en 1920 l'ancien prieuré dont il n'était encore que locataire, et l'aménage progressivement, l'agrandissant d'année en année.
Il y entretient un jardin qu'il inonde de fleurs aux couleurs vives, qu'il aime tant à peindre. Il y adjoint, bien sûr, un atelier et part dans les marais s'imprégner de cette lumière caractéristique de l'Aunis qui, désormais, baignera nombre de ses toiles. Nous n'avons malheureusement pas trouvé la maison du peintre, mais je ne désespère pas de la voir un jour !!
(1) GASTON BALANDE : UN PEINTRE A DÉCOUVRIR (1)
GASTON BALANDE : LA CRUCIFIXION DE SAUJON (2)
ANDRÉ DELAUZIÈRES
A LA RECHERCHE DE GASTON BALANDE
GASTON BALANDE, DEUXIÈME : le "Musée" de SAUJON (1)
GASTON BALANDE, DEUXIÈME : le "Musée" de SAUJON (2)
LA SALLE GASTON BALANDE DU MUSÉE DE COGNAC