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Channel: Bon sens et Déraison
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IMAGES IMPOSÉES

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Les médias, acteurs s'il en est de l'information et de son pendant pitoyable, la désinformation, se prennent bien souvent les pieds dans le tapis et nous offrent, en termes de réflexion proposée pour notre édification, des modèles parfois surprenants. Témoin l'inquiétude qui les agite fort ces jours-ci quant au risque que "nos enfants" voient, sans les comprendre et en soient perturbés, les images concernant l'exécution d'Hervé Gourdel. Le premier jour, l'idée était "comment éviter que les enfants tombent, par hasard ou pour l'avoir cherchée, sur la vidéo montrant, nous dit-on, la décapitation de l'otage". Et la réponse était plutôt inquiétante : certes, on peut installer un logiciel de contrôle parental sur l’ordinateur familial... ou sur la tablette de l'enfant. "Cependant, la plupart de ces programmes ne sont pas capables d’analyser les images elles-mêmes. Ils se basent sur les mots qui les accompagnent. Cela ne marche pas à tous les coups. Il faut que le logiciel soit à jour." Et de conclure "Dans tous les cas, des petits qui se connectent à Internet, rien ne remplace une surveillance physique et un accompagnement." Pour poursuivre, "Pour les adolescents, c’est plus délicat. Bien sûr, il y a également la solution du contrôle parental mais c’est malheureusement tellement contraignant que l’on a souvent l’habitude de le désactiver. Donc, même si la probabilité de tomber dessus n’est pas énorme, pas d’assurance tout risques contre ce genre de contenu sur Internet."
Puis, malheureusement, le ton est devenu plus alarmiste : que faire s'ils l'avaient vue cette vidéo ? que leur dire ? comment réagir ?? Ce qui laisse supposer que les "censures" n'ont eu que peu d'effet et que les images ont circulé sans contrainte sur la toile. Comme si finalement, nous étions tous dépassés par la technique, au point de nous laisser aller à un fatalisme démissionnaire : on subit et ensuite on tente de réparer les dégâts. On n'est plus maître de notre environnement médiatique : il peut nous envahir, nous submerger, nous assaillir sans espérer s'en protéger.

J'ai dû éviter de "descendre" sur la page pour ne pas me trouver confrontée aux images que je refusais de voir

Il suffit d'un clic pour savoir comment la trouver, et même si on veut l'éviter, on doit au moins affronter sa description, déjà insoutenable, rien qu'en mots. Quant à notre charmant outil Google, il impose sur la recherche "texte", et sans qu'on lui ait rien demandé, quelques photos totalement inadmissibles dans sa rubrique "images correspondant à ...". Et vu l'ampleur des dégâts, on renonce à user de l'hypocrite "signaler des images inappropriées" : pas envie de se lancer dans une procédure manifestement inutile. On ne peut pas dire que l'éthique étouffe les moteurs de recherche et vu le battage médiatique fait autour de ces images, les enfants n'ont aucune chance d'en être protégés

On apprend que les termes requis pour la voir (que j'évite de citer) sont au "top des recherches" depuis 4 jours, que certains la mettent en lien sur leur site ou sur leur blog pour glaner quelques euros de recettes publicitaires supplémentaires grâce aux visites décuplées... et on a un haut le cœur devant l'orchestration de ce voyeurisme. On en veut au monde entier, depuis les assassins jusqu'aux relais de ces ignominies. Du coup, on se demande comment vont faire les proches de la victime pour ne pas risquer à leur tour de "tomber" sur cette vidéo, et pour survivre avec une telle menace sur leur quotidien internautique. Comme si la peine et l'horreur de la situation ne leur suffisaient pas, ils vont devoir affronter cette épée de Damoclès de tous les instants.

Qu'adviendrait-il de nous si cela concernait notre époux, notre père ou  notre fils ? Il me semble que cela réveillerait chez moi des pulsions de violence et de haine insurmontables. Je me tiens pourtant pour quelqu'un de paisible, prompte à l'indulgence, incapable de faire du mal physiquement et volontairement à quelqu'un. Mais une telle perspective, décuplée par l'ardeur indécente de la toile à montrer, décrire et se vautrer dans l'impudeur, me ferait prendre les armes. Je ne sais contre qui, mais je crois que cela me rendrait sauvage. Au point que j'en conclus que nul n'est à l'abri, un jour, d'avoir envie de détruire ce qui le révolte. Conclusion dramatique s'il en est, car je crois avoir compris que c'est ce genre de réaction que veulent provoquer ceux qui agissent selon un mode d'expression qu'on voulait aboli. Du temps où nous rêvions de changer le monde. En priant le ciel que ce ne soit pas lui qui nous change.

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