Rouvert en mai 2014 après de longs et important travaux de restauration et de réaménagement, le musée de Reggio n'est pas ce qu'il est convenu d'appeler un incontournable. Nos amis anglais l'ont même trouvé abominable ! Il faut avouer qu'avec sa théorie d'animaux empaillés, ses toiles mineures et sa galerie d'art moderne moyennement convaincante, il n'a pas beaucoup d’œuvres prestigieuses à offrir. Mais l'agencement est clair, lumineux, certaines salles sont vraiment superbes et les responsables ont largement mis en valeur le moindre de leurs "trésors".
Visite en images :
La Vénus de Chiozzia, découverte en 1940 dans un champ est sculpture stéatopyge du paléolithique supérieur réalisée dans un galet fluvial de grès à grain très fin (entre 40 000 et 10 000 avant J. -C.)
La précieuse "tasse d'or", vraisemblablement issue d'un ensemble funéraire non retrouvé, date du XVIII-XVIIème avant J. -C. c'est à dire la phase finale de l'âge du Bronze.
Côté peintures, quelques panneaux de belle qualité, fort bien réstaurés grâce aux banques locales ...
... comme cet Alessandro Tiriani (1577-1998) aux accents caravagesques marqués, intitulé Yaël et Siséra.
Siséra était un général de l'armée de Yabin, qui opprimait le peuple hébreu depuis plus de 20 ans. Déborah, la seule prophétesse de la Bible, et aussi seule femme parmi les Juges d'Israël, convoque le chef d'armée Barac et lui ordonne de lever une armée parmi la tribu de Nephthali et la tribu de Zabulon pour vaincre l'armée cananéenne de Siséra. Elle prophétise que la gloire de tuer Siséra en personne ne reviendra pas à Barac mais à une femme.
L'armée de Sisera étant décimée à la suite de l'attaque de Barac, le chef s'enfuit à pied, seul, en direction de la tente d'Heber, qu'il savait fidèle au roi Yubin. Il est accueilli par Jaël , femme de Héber, et elle lui propose de se reposer dans sa tente. Alors Siséra dort, Jaël armée d'une cheville et un marteau le tue en lui transperçant la tempe.
Puis elle annonce à son mari quelque peu éberlué que Siséra n'est plus en état de nuire. Une scène bien barbare traitée avec des accents de vérité dignes d'Artemisia Gentileschi qui a traité le même sujet.
Nettement moins admirable d'un point de vue artistique mais intéressant du fait de son intégrité, le cycle peint par Prospero Minghetti pour le palais du Comte Ritorni aux alentours de 1815 : l'ensemble raconte des épisodes de la vie de Ruggiero, le compagnon de Roland dans l'Orlando furioso de l'Arioste et dans l'Orlando innamorato de Boiardo, (celui qu'Ingres représente en train de sauver la blanche Angélique attachée à un rocher et sauvagement attaquée par un féroce dragon). Ruggiero est sensé être l'ancêtre de la famille d'Este, descendant d'Hector de Troie et la narration de ses aventures traduit l'intention du commanditaire de magnifier l'origine des Este en pleine période de Restauration.
Côté peinture moderne, la toile la plus intéressante, et sans doute une des meilleures du musée, est cet audacieux Page en rouge peint par un tout jeune peintre de Reggio, qui, passé ce coup de génie, ne semble pas avoir réalisé grand chose de remarquable (si l'on en juge par les autres toiles de lui présentes au musée).
Ottorine Davoli avait 17 ans quand, en 1905, il peignit ce Paggio in rosso ou Paggetto : un jeune homme exalté et sans doute romantique comme semble le montrer cet autoportait de la même année. Il se "rangera" et s'embourgeoisera sans doute assez vite, mais là, à 17 ans, c'est le feu et la flamme qui l'habitent ....
... quand il brosse, à coups de pinceau rapides et nerveux (on dirait un Manet, je pense au torero mort) , ce festival de teintes écarlates, puissantes, vibrantes ...
.... à peine modérées par le blanc de la collerette et le verduccio du visage de son tout jeune modèle. L'enfant, altier, la main élégamment posée sur la hanche, regarde le spectateur avec un air d'une incroyable acuité, conférant au sujet un air mystérieux, qui semble lourd de sens. La peinture, fort audacieuse lorsqu'elle fut réalisée, ne trouva pas preneur et resta dans l'atelier de l'artiste. C'est son petit fils qui, l'ayant retrouvée un peu par hasard dans l'appartement de son père à Turin, l'a déposée au musée de la ville natale du peintre.
Quant à l'art contemporain, il permet, grâce à une mise en scène très valorisante, de faire quelques photos intéressantes et se laisse visiter !
La visite se termine par une sorte de fresque en objets racontant la vie du musée, de sa création à sa rénovation, en passant par son informatisation !! Qui vous permet d'avoir accès aux fiches de toutes les oeuvres d'art qu'il abrite (enfin c'est en cours !!)