Le musée de Rouen présente une très riche collection de toiles du XVIIème, parmi lesquelles j'ai choisi quelques peintures particulièrement frappantes. Un choix difficile car il m'a fallu renoncer à beaucoup !
Il était sacrément inspiré le conservateur qui, en 1955, a acheté cette Flagellation du Christ de Caravage : c'est aujourd'hui l'un des plus grands chefs d'oeuvre du musée !!
Comme souvent chez Caravage, le cadrage est serré, concentré, dramatisant fortement la scène. Le nombre de personnages est réduit : les bourreaux, hommes du peuple aux traits abrupts, sont sculptés par une lumière de soupirail qui tombe du haut, à gauche. Cela accentue leur violence, la brutalité de leurs mimiques, mais leur donne aussi une allure pitoyable, presque plus victimes que tortionnaires.
La figure éreintée du Christ, à gauche, semble prête à faire basculer la toile hors du cadre. En bas, son manteau rouge symbolise bien sûr sa royauté déchue, tout en posant l'unique touche de couleur sur cette scène sombre, a peine illuminée par le périzonium blanc, référence criante au linceul qui l'attend.
Le corps du supplicié est encore intact, alors que les blessures qui vont lui être infligées sont suggérées par les marques qui zèbrent la colonne derrière lui. Ces zébrures sur le marbre sont d'autant plus frappantes qu'elles sont symboliques.
La figure éreintée du Christ, à gauche, semble prête à faire basculer la toile hors du cadre. En bas, son manteau rouge symbolise bien sûr sa royauté déchue, tout en posant l'unique touche de couleur sur cette scène sombre, a peine illuminée par le périzonium blanc, référence criante au linceul qui l'attend.
Le corps du supplicié est encore intact, alors que les blessures qui vont lui être infligées sont suggérées par les marques qui zèbrent la colonne derrière lui. Ces zébrures sur le marbre sont d'autant plus frappantes qu'elles sont symboliques.
L’œuvre, peinte en 1606-1607, à la fin du séjour romain, ou juste après la fuite à Naples de l'artiste est si originale du point de vue iconographique qu'elle deviendra un modèle et une référence pour des artistes de toutes nations (France, Flandres, Espagne) venus séjourner en Italie. Mais tout le génie de Cavage reste unique dans cette mise en scène puissante, dans cette gamme chromatique sinistre sans être monotone, dans cette composition savamment décalée, prête à sombrer, inquiétante.
Un homme, au visage rieur, est de profil, la tête légèrement tournée vers nous. Vêtu d'un riche pourpoint, la main droit posée sur la hanche, bras enroulé dans un superbe manteau de drap brun, il montre au spectateur un globe terrestre.
Le modèle se détache sur un fond sombre et la lumière, venue de gauche, éclaire son profil hilare, surmonté d'une courte frange brune, alors que deux mèches épaisses et bouclées tombent de part et d'autre de son visage. Cette lumière fait ressortir le col de dentelle blanche, peint d'une touche nerveuse et rapide. Costume et coiffure sont typiques de la mode espagnole de la première moitié du XVIIème siècle, et on a cru reconnaitre ici les traits de Pablo de Valladolid, bouffon à la cour du roi Philippe II d'Espagne. On suggère aussi, à cause de la présence du globe, une représentation symbolique de Démocrite, dans lequel les hommes du XVIIème sicèle voyaient l'apôtre de la dérision et du rire devant la folie des conduites humaines.
À droite, sous l'index replié du personnage, un superbe globe aux reflets bleutés et quelques livres. Le tableau, peint vers 1627-29 fut repris par Vélasquez quelques années plus tard. Des copies anciennes montrent qu'en fait, au départ, le personnage tenait un verre de vin qu'il présentait joyeusement au spectateur, comme pour une invitation à trinquer. Ceci explique la position un peu étrange de la main, modifiée bien sûr lors de cette reprise.
Impossible de passer à côté d'un Guerchin sans m'y arrêter quelques instants ! D'autant que ce Roi David, jouant d'un air inspiré de la viole, est particulièrement somptueux.
La lumière qui illumine son front et atteste de l'inspiration divine qui guide sa main, rebondit sur sa barbe en créant une impression de douceur, comme si une légère brise venait l'effleurer.
Les détails, fastueux, sont autant de prétextes à faire jouer la lumière et à donner à la toile une harmonie idéalement associée à ce thème musical.
Allez, une dernière halte dans ce siècle, pour Matthieu Le Nain : cette ravissante nativité, faite pour être vue par en-dessous, est judicieusement placée en hauteur, pour le plaisir du visiteur (moins pour celui du photographe !!) : on a l'impression que l'épisode se déroule sur une corniche, placée au-dessus de nous, ce qui donne un caractère aérien à la scène.
Au centre la scène d'adoration par les bergers, totalement éclairée de l'intérieur, comme si la lumière trouvait sa source dans l'enfant couché à terre, sur une ligne piquetée de quelques brins de paille.
Au centre la scène d'adoration par les bergers, totalement éclairée de l'intérieur, comme si la lumière trouvait sa source dans l'enfant couché à terre, sur une ligne piquetée de quelques brins de paille.
Enfant qui se redresse légèrement pour regarder vers l'agneau posé à ses pieds, petite dépouille émouvante et misérable qui symbolise bien sûr le sacrifice à venir.
A droite, jouxtant le bœuf au regard placide, Joseph reçoit cette lumière qui vient du centre de la toile et marque du mouvement de sa main droite largement ouverte l'étonnement qui le saisit.
De l'autre côté, alors qu'un jeune berger à l'air un peu ahuri arrive son bâton sur l'épaule, une servante, étrangère à la scène, tourne vers l'horizon un regard un peu vide. Le peintre picard aimait ancrer ses tableaux dans un quotidien anecdotique, et cette touche ouvre la scène tout en la situant dans le siècle.
Difficile pourtant de terminer une visite des salles sur XVIIème sans admirer une ou deux natures mortes !! Celle de Jacob Foppens Van Es est d'une sobriété admirable. L'austérité méditative de cette modeste mise en scène renvoie à un repas de Carême, même si les deux verres et l'assiette d'étain évoquent une ambiance aisée.
Admirez la façon dont le peintre fait jouer la lumière sur la surface des choses, créant un des effets de brillance, de transparence ou de matité. La teinte de la chair de hareng, doucement argenté et aux reflets à peine rosés, rend ce modeste poisson presque palpable, protagoniste d'une mise en scène aux accents intimistes et recueillis. Posé sur une assiette de métal, il crée avec elle une harmonie subtile de gris, bleutés et froids à laquelle répondent les gammes chaudes du tableau. Le pain, parfaitement doré, les deux oignons, l'un vert et l'autre jaune, complètent avec élégance ce frugal repas.