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LA LICORNE ET LE BÉZOARD

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Une exposition que j'ai déjà évoquée ici, et encore ici, mais dont je n'ai pas encore révélé ce qu'elle réservait comme surprises étonnantes aux visiteurs. Elle dure jusqu'au 16 mars 2014.

Exposant des squelettes, des animaux empaillés, des reproductions de bêtes étranges ou imaginaires, les premiers cabinets de curiosité s'appelaient Mirabilia au XIIIème siècle (cabinets des merveilles). Ils servaient à montrer les créations divines, les merveilles de la nature mais aussi les monstres, symboliques du mal que l'on devait craindre et éviter. On retrouve donc au départ certaines de ces bizarreries dans les abbayes, où œufs d'autruches, crocodiles, cornes de licorne, sont jugés représentatifs du Royaume de Dieu et de ses menaces.


A la Renaissance ces Mirabilia deviennent des cabinets de curiosité et ont un peu plus de rigueur. Les expéditions vers le Nouveau Monde permettent de les garnir d'une multitude d'objets inédits, pas toujours bien identifiés : la dent de narval continuant sa carrière poétique de corne de Licorne. Ils comportent des artificialia, objets faits par des hommes, des naturalia, des scientifica, instruments divers et pour finir, des exotica, témoignages d'autres pays et d'autres cultures. Certains cabinets, appartenant à des princes curieux ou à des universités célèbres cherchant à épater les visiteurs, deviennent des galeries courues et fort décrites par les visiteurs émerveillés. Qu'on se rappelle à Padova, celui de Pietro Bembo !

L’exposition se déroule en sept « espaces » qui permettent de découvrir le cabinet de curiosités dans ses évolutions historiques, du XIVe au XVIIe siècle, avec en point final une proposition de cabinet pour le XXIe siècle.


La galerie initiale :
Il s'agit ici, dès l'entrée, de plonger le visiteur dans le bizarre et dans l'étrange. Un bric à brac, destiné à provoquer curiosité, questionnement, voire émerveillement, restitue l'ambiance que créaient les possesseurs de cabinets qu'ils ouvraient souvent à la visite. Il s'agissait d'intriguer, et les objets présentés ici remplissent leur office : on y trouve un dragon (la Grand’ Goule qui est presque devenue l’emblème de Poitiers), un reliquaire, un crocodile, et des reproductions de nombreuses estampes de Besler, Cospi, Worm…


Le studiolo :
Premier exemple de lieu clos, réservé à un cénacle choisi, et représentant les différentes formes du savoir zoologique, botanique et géologique, une excellente reproduction du studiolo d’Urbino nous mène vers une salle où s'entassent des centaines d'objets étranges.


Un cabinet du XVIe siècle :

L'espace, très rempli de meubles à tiroirs, étagères et autres vitrines, est un octogone couvert d'un dôme. Il évoque le microcosme, le rapport entre le cabinet et la Création. Il y fait sombre et les objets rangés avec des effets de symétrie et soigneusement étiquetés, sont présentés comme un « abrégé du monde ». Fossiles, monnaies, bec de toucan, coiffe de plume, caméléon, corail rouge, herbiers… mais surtout, pendue au plafond, un corne de Licorne, et dans une vitrine quelques bézoards. Enfin !!
Car, il faut bien l'avouer, la Licorne, on connaissait, mais le bézoard, non ! Alors qu'est-ce ? Selon le littré "Nom donné aux concrétions calculeuses qui se forment dans l’estomac, les intestins et les voies urinaires des quadrupèdes". Un calcul qui parfois peut-être énorme, et qui se forme souvent autour d'un amas de poils. Autant dire, à une époque où l'on en meurt, sans pouvoir opérer puisqu'on ne sait pas "ouvrir", que la chose est rare et follement impressionnante. Au point que certains la montent en objet précieux, serti d'or et de pierres précieuses !


Un engouement européen :

Les amateurs de curiosités n'hésitaient pas à parcourir l'Europe pour rendre visite aux collectionneurs les plus en vue : les Italiens bien sûr, (Manfredo Settala, Ludovico Moscardo, Ferdinando Cospi, Ulisse Aldrovandi), mais aussi Peiresc, John Evelyn, Thomas Platter, Charles Patin, Ole Worm. La salle présente des cartes géographiques, portraits, des citations de récits de voyages et de catalogues, et des objets liés à ces collectionneurs…  


Le cabinet princier, type Ambras :

Une pièce étroite et en longueur, somptueusement meublée de riches cabinets marquetés du XVIIème, reconstitue de façon très convaincante le cabinet d'un prince, inspiré de celui du château d’Ambras (Autriche). Ce dernier était célèbre pour le caractère luxueux des collections mais aussi par le mélange avec des objets considérés aujourd’hui comme triviaux et à l'époque fort appréciés, comme des pièces d'armement.


Cette pièce est sans doute celle qui présente les pièces les plus précieuses de l'exposition et son aménagement est très évocateur de l'admiration qui devait saisir les visiteurs, venant souvent de loin et découvrant ces merveilles.



Un cabinet d’apothicaire entre XVIe et XVIIe siècle, tourné vers l’Atlantique

Un exemple local, le cabinet de Contant à Poitiers, permet d'évoquer les cabinets de savants, caractérisés par l’activité professionnelle de leur propriétaire. C'est dans un joli décor de jardin qu'il rassemble des objets qui passionnaient le propriétaire, pharmacien à Poi­tiers qui commença sa collection par la réunion de végétaux rares ou spectaculaires, puis l'enrichit de souvenirs amérindiens, de coquillages et autres fantaisies qui lui semblaient si belles qu'il leur dédiait des poèmes en alexandrins. Il y en avait tant qu'il fallut, nous dit-on, quatre déménageurs travaillant pendant 7 jours pour vider sa collection lors de son décès !


Le cabinet de Nicolas Chevalier 

Autour de la maquette du premier cabinet de Chevalier à Amsterdam (il en eut trois !), dont la visite était ... payante, sont rassemblés des médailles, des œuvres d'art et nombre d'objets du commerce international de l'époque. Ses livres sont présentés dans une vitrine, et au plafond sont suspendus requin, vertèbre de baleine, trompe d’éléphant…


Vers la spécialisation du cabinet, type Ruysch

Evocation d'une collection constituée autour de deux axes : l’histoire naturelle (botanique et zoologie), et les pièces anatomiques (corps humain), dont les « objets » ont pu être conservés par la mise au point d’une technique révolutionnaire, celle de l’injection de cire pigmentée dans les tissus. Présentation de vanités tridimensionnelles en regard de bocaux contenant coraux et gorgones…


Une idée de cabinet au XXIe siècle 

"Dans un dernier espace, ouverture sur le XXe et le XXIe siècle et la vivacité de l'idée de curiosité dans le monde d'aujourd'hui. Autour de quelques oeuvres emblématiques - "boîte verte" de Marcel Duchamp, oeuvre de Jean-Michel Othoniel, bustes de Jan Fabre, évocation du château d'Oiron -, des objets insolites revisitent la question des "reliques", des images issues de la recherche scientifique illustrent le questionnement permanent sur la connaissance du monde, et nous renvoient à notre fascination pour l'inconnu, l'étrange, le rare, le merveilleux..."


JEU
Il ne vous reste plus qu'à jouer au Cabinet des Merveilles mis au point par le FRAME (French Regional American Museum Exchange) qui organise tant de passionnantes expositions !! Je l'ai testé pour vous car il manque un peu d'explications. 

Vous pouvez d'abord visiter la Chambre des Merveilles du Marquis de Robien. En cliquant sur n'importe quel objet, vous aurez des détails sur sa provenance et son utilité. Vous avez accès à un livre qui vous permet en outre de voir l'encyclopédie du Marquis et aussi à l'ensemble des objets merveilleux. Bien pratique pour tricher si vous n'arrivez pas trop à faire la suite : les objets absents y sont déjà décrits, donc cela aide à les localiser.
Car il manque au Marquis 6 objets que vous allez devoir trouver pour lui. 
Pour jouer : il faut cliquer sur le globe. Puis vous choisissez un continent. Là vous disposez d'une lunette qui vous permet d'observer l'horizon !! Quand vous êtes dans les environs de l'objet à ramener dans votre cabinet des merveilles, vous entendez un bruit qui est d'autant plus intense que vous vous rapprochez de l'objet. Quand vous verrez apparaître un point orange, bingo, vous aurez trouvé l'objet. Attention, pour que le point rouge apparaisse il faut se déplacer très lentement dans la zone sonore. Il vous suffira alors debien cibler ce point et de cliquer dessus pour voir apparaître une épingle ! 
Mais votre épreuve n'est pas terminée : vous avez trouvé l'objet, mais il faut maintenant le ramener dans votre cabinet de curiosité... en répondant juste à une ou plusieurs questions. Si par hasard vous échouez, plus qu'à recommencer !! Il vous faudra placer des perles sur le porte-bébé kiowa, écouter des instruments de musique africains, trouver ce que mange un singe en Amérique du Sud, examiner à la loupe une châtelaine britannique, trouver d'où vient un faîte de case océanien, et placer un rat d'or sur un sabre japonais !!
Une dernière épreuve vous attendra après toutes ces réussites : mais aidé par l'encyclopédie, vous devriez réussir sans problème !!!
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Les illustrations de l'article, les photographies étant interdites, proviennent du reportage de la 3 à l'occasion de l'inauguration de l'exposition. D'autres documents proviennent du remarquable site Curiositas consacré aux cabinets de curiosités européens : ici pour Nicolas Chevalier, et ici pour Contant. Et, bien sûr, la dernière photo est un cabinet du XXIème siècle, celui de Koka !

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