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ANNA QUINQUAUD

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Découverte alors que nous cherchions des toiles de Gaston Balande, cette exposition absolument superbe, nous a littéralement enthousiasmés. Pourtant nous n'aurions pas eu l'idée d'entrer : le titre de l'expo "Itinéraires Africains dans les années 30" ne nous disait pas grand chose. Et ce fut un vrai coup de foudre !


Anna Quinquaud est née à Paris en 1890 : son père était médecin et sa mère, Thérèse Caillaux, avait été élève de Rodin. Lorsque cette dernière devient prématurément veuve, elle reprend son métier et initia sa fille au ciseau. La famille passe une partie de l'année à Arcueil, Anna suit bientôt des cours avec Blanche Laurent, et l'été dans la Creuse (ce qui vaut plusieurs prêts du musée de Guéret dans cette exposition). Durant la guerre, Anna, en digne fille de médecin, devient infirmière de première ligne, elle est pourtant encore toute  jeune ! La paix revenue, elle tente le concours du prix de Rome, et obtient le Second Grand prix en 1824. Elle pourrait partir pour la ville Médicis, mais c'est une artiste libre, farouchement indépendante et très éloignée des conventions de l'époque  : elle choisit l'Afrique. Car cette même année, elle est aussi la première femme sculpteur à obtenir au Salon le Prix de l'Afrique Occidentale française (AOF). Dès l'automne 1925, elle est à Dakar, munie de son attirail de peintre et de sculpteur et part, accompagnée d'une petite troupe de porteurs, pour une randonnée de 8 mois au coeur du Soudan français, sur le fleuve Niger, dans les sables de Mauritanie, à Tombouctou et à Djenné.


Imaginez l'aventure que représente en 1925, une jeune femme seule sur les pistes du continent africain. Quelle audace ! Et elle en rit : quand au retour du premier de ses voyages à une journaliste qui l’interroge sur le son intrépidité, elle répond : “Figurez-vous que je découvre tous les dangers que j’ai courus en Afrique depuis que mes amis me les énumèrent. C’est effrayant l’Afrique … vue de Paris. Là-bas, c’est beau simplement”. Le continent d'avère pour elle une puissant source d'inspiration et à peine rentrée, elle ne rêve que de repartir.


Il lui faut 4 ans pour préparer sa deuxième expédition : elle doit la financer sur ses propres deniers car elle n'a plus de Bourse, et choisit de partir chez les peuples des montagnes du Fouta-Djallon, en Guinée française. Elle y restera 8 mois, de nouveau, s'installant dans le chef-lieu de Pita, au milieu des peuples peuhls sédentarisés, les Foulahs dont elle saisit à merveille les profils racés et les silhouettes longilignes. Elle fait aussi quelques voyages, en particulier vers les Coniaguis et les Bassaris, tribus s'adonnant à l'art de la chasse et à la guerre. 


De retour à Paris, le succès est au rendez-vous : aux critiques élogieuses succède la participation à de grandes expositions, et les commandes officielles commencent à arriver. Elle peut s'installer dans un atelier assez spacieux, rue des Plantes, et pense déjà à repartir. Son troisième voyage sera pour la corne orientale de l'Afrique et Madagascar. L'objectif premier de ce troisième séjour est l'enseignement du dessin et de la sculpture à Tananarive. Elle en profite bien sûr pour partir à le rencontre des habitants, et en tire une magnifique galerie de portraits, très présents, très nobles.


A son retour, une exposition des 132 de ses oeuvres rapportées de ces différents périples remporte un vif succès. Les commandes abondent : bas-reliefs pour la fauverie du jardin des Plantes, pour le Palais Chaillot, pour le musée d'Art Moderne de la ville de Paris. En 1936 elle est chargée de réaliser 4 anges monumentaux pour la cathédrale de Dakar, une merveille de douceur, et d'un vaste ensemble décoratif pour l'hôtel de ville de Tananarive.


Malheureusement, après la Guerre, l'époque des grandes commandes est révolue, l'évolution de l'art vers des courants abstractionnismes la démodent un peu. Mais c'est surtout la décolonisation qui a raison du succès d'Anna Quinquaud. Elle s'en remettra difficilement, sa dernière oeuvre d'importance étant la réalisation en 1952, les sculptures pour la façade de la maison d’Afrique Occidentale à la Cité internationale universitaire de Paris. Désormais, elle réalise de charmants bustes d'enfants pour vivre mais c'en est fini de la "grande" dame des années 30, nommée académicienne des Sciences coloniales. Deux expositions aux musées de Brest et de Guéret, salueront heureusement son talent en 1977 et 1980. Il était temps : elle décède le 25 décembre 1984, séparée de ses collections car elle doit vivre en maison de retraite, âgée de 94 ans ! 


Jamais Anna Quinquaud ne fera montre de colonialisme : ses portraits sont infiniment respectueux et se veulent témoignage et hommage aux populations rencontrées. Elle excelle dans les scènes de genre qui magnifie le rôle des femmes, mères, cultivatrices, porteuses d'eau. Ses portraits sont d'une retenue parfaite, sereins, pleins d'une dignité imposante et on sent combien elle a aimé, écouté et regardé ses modèles. Son langage est d'une sincérité absolue et elle rend tous ses personnages présents, vibrants. Elle n'a pas son pareil pour décrire une attitude, ses femmes drapées surprises dans des activités quotidiennes et traditionnelles sont d'une incomparable majesté de tenue. Son danseur de Papanga est un petit miracle d'équilibre et chacun de ses modèles dégage une distinction surprenante.


L'exposition, après avoir été inaugurée au musée Despiau-Wlérick de Mont-de-Marsan, séjourne à La Rochelle jusqu'au 5 janvier et sera ensuite visible à Brest dans le premier semestre de l'année 2014. A ne rater sous aucun prétexte, sa visite est vraiment saisissante : l'oeuvre d'Anna Quiquand dégage une force, une sensibilité, une générosité totalement envoûtantes. Preuve, s'il en était besoin qu'en art il ne faut jamais avoir le moindre a priori !

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