- Dis-moi, est-ce notre époque qui manque d'âme, ou est-ce une impression de ma part, voire une exaltation du passé ? J'idéalise peut-être ...
Alter est en train de découper avec gourmandise la croûte bien dorée du gratin de macaronis (un excellent exutoire aux jours de pluie)... il s'arrête, la cuillère en suspens.
- Toi, tu as trouvé que nos conversations d'hier soir manquaient de trempe !
- Oui, bassement matérielles ... mais pas que ça. Emmanuel aussi...
- Tu as raison, on devrait se réjouir, mais quelque part on est un peu tristes.
- Alors dis-moi, comment étaient ceux qui nous ont précédés, avaient-ils une spiritualité plus forte, ou finalement n'étaient-ils, comme nous, que préoccupés de s'approprier un bonheur rêvé. Mais conscients que la vie terrestre ne le leur offrirait jamais, ils mettaient leur foi dans un monde meilleur. Du coup, cela donnait des ailes à leur faculté d'abstraction !
- C'est la mort des idéaux et aussi, la mort de la religion...
- Oui mais ... pourquoi ? Sommes-nous devenus de ectoplasmes de l'âme ?? Avons-nous perdu toute faculté de dépasser les contingences de la matière et les préoccupations du bien-être quotidien, au motif justement que ce bien-être on n'a en jamais eu autant et qu'on ne sait plus jurer que par lui ? Avons-nous perdu tout souffle divin, toute aspiration à une perfection autre que celle de nos petits plaisirs ordinaires ?
- Toi si tu en fais un article, Michel de Lyon va encore dire que tu es naïve !
- Et il aura raison, mais dis-moi... (têtue Michelaise !!) tu ne trouves pas qu'on manque de plus en plus singulièrement d'âme ?
- Sans doute, mais comment l'analyser ? C'est drôlement difficile d'en parler, d'exprimer cette évolution, de comprendre...
- Peut-être, mais moi je trouve cela abominablement frustrant. On se retrouve à nu, comme démunis.
- Forcément, y a eu d'abord Galilée, et ensuite Darwin. Ça laisse des traces.
- Qu'est-ce qui a laissé le plus de traces ?
- Darwin, parce que Galilée on a fini par s'y faire. Mais penser qu'on n'est finalement que des animaux un peu plus évolués que les autres, parce que dotés de méchanceté, de ruse et d'une bonne dose de fourberie, c'est pas très valorisant.
- Pas fait pour me remonter le moral tout ça.
- Tiens, reprend donc un peu de cet excellent gratin de macaronis, y a que ça de vrai !
Il a sans doute raison Alter, quelle idée de couper ainsi les cheveux du quotidien en quatre pour tenter d'en faire surgir une pensée un peu plus élevée que celles qui nous grignotent l'esprit. Qu'est-ce que c'est que cette ambition qui prétend que nous devrions, quand on se réunit entre amis, brasser quelques concepts hautement philosophiques, sans se prendre au sérieux si possible, et en y mettant autre chose qu'une pédanterie intellectuelle de mauvais aloi : de l'ardeur, de l'audace, de l'inventivité... tout ce qui ferait de nous des êtres évolués, capables de dépasser l'hédonisme de base, l'égoïsme classique et, pour ceux qui refusent de sombrer, en prime, dans la morosité, un optimisme de bon aloi.
Pourtant, ça me travaille encore, et j'ai envie d'en faire un article. Alter a raison, le sujet est aride, d'autres l'ont traité tellement mieux que moi, je vais me casser le nez sur un monceau de banalités. Alors je clique "supplément d'âme" sur mon moteur de recherche préféré, prête à tricher, me disant que je vais peut-être trouver de l'inspiration auprès des vrais penseurs. Et là ...
Le premier site qui s'offre à ma contemplation hébétée est une mercerie de Rennes qui propose "toute une gamme de jolis tissus, des rubans, des galons, des boutons, des perles et apprêts, rien que des jolies choses...". Si je m'attendais à cela, un méchant jeu de mots pour des ouvrages de dames, tu as eu ce que tu cherchais MIchelaise ! La fanfreluche au secours de la conscience, cela a un petit air de déjà vu qui manque de me clouer le bec... Mais je ne vais pas me laisser décourager pour si peu. Je tente le lien vers un blog où une jeune maman s'extasie de son nouvel état de mère qui compense, grâce à la découverte de l'amour immodéré qu'elle prodigue à son enfant, la longue liste de ce qu'elle a perdu avec la maternité "Avant, on était belles, on était jeunes, on était minces... A force de faire la longue liste de ce que j'ai perdu avec la maternité - ligne, sérénité, sommeil, insouciance - j'en ai oublié de voir tout ce que j'y avais gagné...". Sur la base d'une question carrément triviale, "Mais pourquoi est-ce que je deviens mère, bor..l", elle propose comme titre à sa réflexion "Ce tout petit supplément d'âme", mais je ne sors pas très avancée dans ma réflexion de la lecture de son article.
J'ai un petit espoir avec l'album de Kokor qui porte justement ce titre et qui raconte "Comment la vie de dizaines de personnes peut... être bouleversée par la disparition d’un seul homme ? Comment cette disparition peut... provoquer une belle rencontre amoureuse ? Kokor distille sa petite mélodie du bonheur à travers un grand récit romantique et loufoque, où l’humour le dispute à la poésie. ". Voilà, entre poésie et humour, qui n'éclaire guère ma lanterne. Je fais donc un petit tour sur le forum de Word Référence où Poiu, junior membre, pose avec une certaine ingénuité la question suivante "Pourriez-vous me dire ce que signifie "supplément d’âme" dans le contexte suivant: "Car c’est bien la langue française qui confère à notre famille ce supplément d’âme, cette spontanéité dans la solidarité..."? Je sais la signification de chaque mot, mais je ne suis pas sûre de comprendre le sens de l'expression." Ce à quoi à XMarabout répond : "Il s'agit d'un petit quelque chose en plus, d'assez indéfinissable, qui apporte une certaine chaleur, une émotion positive". Il est senior membre XMarabout, donc fort d'une maturité et d'une expérience qui devraient m'aider à résoudre mon état d'incertitude, et pourtant, cette "émotion positive" cela fait un peu trop "méditation transcendantale" pour me satisfaire.
Le premier site qui s'offre à ma contemplation hébétée est une mercerie de Rennes qui propose "toute une gamme de jolis tissus, des rubans, des galons, des boutons, des perles et apprêts, rien que des jolies choses...". Si je m'attendais à cela, un méchant jeu de mots pour des ouvrages de dames, tu as eu ce que tu cherchais MIchelaise ! La fanfreluche au secours de la conscience, cela a un petit air de déjà vu qui manque de me clouer le bec... Mais je ne vais pas me laisser décourager pour si peu. Je tente le lien vers un blog où une jeune maman s'extasie de son nouvel état de mère qui compense, grâce à la découverte de l'amour immodéré qu'elle prodigue à son enfant, la longue liste de ce qu'elle a perdu avec la maternité "Avant, on était belles, on était jeunes, on était minces... A force de faire la longue liste de ce que j'ai perdu avec la maternité - ligne, sérénité, sommeil, insouciance - j'en ai oublié de voir tout ce que j'y avais gagné...". Sur la base d'une question carrément triviale, "Mais pourquoi est-ce que je deviens mère, bor..l", elle propose comme titre à sa réflexion "Ce tout petit supplément d'âme", mais je ne sors pas très avancée dans ma réflexion de la lecture de son article.
J'ai un petit espoir avec l'album de Kokor qui porte justement ce titre et qui raconte "Comment la vie de dizaines de personnes peut... être bouleversée par la disparition d’un seul homme ? Comment cette disparition peut... provoquer une belle rencontre amoureuse ? Kokor distille sa petite mélodie du bonheur à travers un grand récit romantique et loufoque, où l’humour le dispute à la poésie. ". Voilà, entre poésie et humour, qui n'éclaire guère ma lanterne. Je fais donc un petit tour sur le forum de Word Référence où Poiu, junior membre, pose avec une certaine ingénuité la question suivante "Pourriez-vous me dire ce que signifie "supplément d’âme" dans le contexte suivant: "Car c’est bien la langue française qui confère à notre famille ce supplément d’âme, cette spontanéité dans la solidarité..."? Je sais la signification de chaque mot, mais je ne suis pas sûre de comprendre le sens de l'expression." Ce à quoi à XMarabout répond : "Il s'agit d'un petit quelque chose en plus, d'assez indéfinissable, qui apporte une certaine chaleur, une émotion positive". Il est senior membre XMarabout, donc fort d'une maturité et d'une expérience qui devraient m'aider à résoudre mon état d'incertitude, et pourtant, cette "émotion positive" cela fait un peu trop "méditation transcendantale" pour me satisfaire.
Plus loin, je trouve Bergson, cela devrait aller mieux ... "L’homme ne se soulèvera au-dessus de terre que si un outillage puissant lui fournit le point d’appui. Il devra peser sur la matière s’il veut se détacher d’elle. En d’autres termes, la mystique appelle la mécanique.". Ça commence mal, moi qui voulais au contraire exprimer des préoccupations autres que matérielles... heureusement le philosophe a prévu ma réaction "On ne l’a pas assez remarqué, parce que la mécanique, par un accident d’aiguillage a été lancée sur une voie au bout de laquelle étaient le bien-être exagéré et le luxe pour un certain nombre, plutôt que la libération pour tous. Nous sommes frappés du résultat accidentel, nous ne voyons pas le machinisme dans ce qu’il devrait être, dans ce qui en fait l’essence." Je vous laisse avec le prof du philo qui vous expliquera "que le corps agrandi attend un supplément d’âme, et que la mécanique exigerait une mystique" et continue ma quête.
C'est ainsi que je me retrouve sur un forum de philosophie où après s'être traités de crétin et autres noms d'oiseaux, les participants tentent une définition de l'âme. Pas vraiment mon sujet de préoccupation, qui était plutôt de savoir ce qui nous pousse à ne plus exprimer ce désir d'âme, sauf à tomber dans des extrémismes qui ne nous font jamais honneur, à nous satisfaire d'une recherche égocentrique d'un bonheur à la petite semaine, à sombrer dans un individualisme qui nous ferme les portes d'une réflexion plus constructive. Est-ce simplement que nous sommes devenus infichus de l'exprimer, par pudeur, par manque d'audace ? Ou est-ce plus largement que nous avons perdus nos repères et nos idéaux ? Je crois qu'il est temps que je rejoigne Alter devant la cheminée, pour lire, une grosse bûche entre deux marmousets, un bon polar qui me ramènera les pieds sur terre !!!
Une âme conduite au Paradis par William Bouguereau