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GRAIN DE SEL

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J'en parlais dans le billet sur notre escapade rétaise, et la devinette posée devait vous amener à penser au sel :
Saucisson vient du latin salsus qui signifie salé. On pense d'ailleurs que les Grecs et les Romains sont à l’origine de la saucisse et du saucisson puisqu'on trouve des recettes de saucisson datant du temps de l’empire romain. les Gaulois consommaient grands consommateurs de cochonnailles, pratiquaient les salaisons donc le jambon et, bien sûr, le saucisson. Le mot saucisson daterait, en France du XVIème siècle, et apparaitrait dans le Tiers Livre de Rabelais, quoiqu'étant alors d'origine italienne. En fait, le mot le plus proche de son ancêtre transalpin serait plutôt le salami, inspiré de "salame", qui bien sûr dérive de salare, saler !
Les soldats romains étaient payés en partie en sel, et la ration qui leur était accordée, appelée salarium, a bien entendu donné le mot salaire, qui, au passage ne s’applique plus aux soldats qui touchent maintenant une solde !
Le mot sauce, quant à lui, vient du latin salsa (« chose salée »), féminin substantivé de salsus (« salé ») qui a donné salce en ancien français et saulce, saulse ou sause en moyen français.
Pour saugrenu, l'affaire est un peu plus complexe : ce mot, issu du vieux français, "saugrenée" désignait une fricassée de pois (sel + grain + ée), le plat étant composé de restes des repas précédents, il était souvent surprenant, voire étrange ou même ridicule !



J'aurais pu rajouter à la liste saupoudrer (poudrer de sel) ou salpêtre, le sel de la pierre, pour vous aider à trouver le thème de l'exposition du musée Ernest Cognacq de Saint Martin en Ré : "ça ne manque pas de sel". Quoi de plus logique qu'une exposition consacrée au précieux condiment, sur une île dont ce fut, durant des siècles, la principale richesse.


Un parcours amusant puisqu'après avoir donné des explications chimiques (1) sur les "chers"cristaux, puis des précisions biologiques (2),  on entrait dans le vif du sujet : le sel dans la cuisine. 


Après un petit détour historique, à base de gabelle et de considérations sur les peines graves encourues par les faux-saulniers (pour preuve ces fers du XVIIIème siècle retrouvés dans le Tour prison de Thouars où l'on enfermait les prisonniers qui s'étaient rendus coupables de trafic du sel), on faisait consciencieusement le tour de toutes les recettes de salaisons, et autres sauces de poisson, du garum, condiment de base de la cuisine romaine avec ses 3 parts de thon ou autres poissons pour 2 parts de sel, et dont le premier jus était le plus couru, au nuoc-mâm, extrait de la macération d'anchois, calamars et autres bestioles de la mer à raison de 15kg de sel pour 100 kg de poissons, qui fait paraît-il l’objet d'une appellation contrôlée depuis 2001 !


Puis, succédant à une vitrine de boîtes à sel telles qu'on devrait en remettre dans nos cuisines, tant c'était commode pour stocker le gros sel, venait une délicieuse collection de salières en tous genres, et pour toutes tables, des plus luxueuses en faïence de Parthenay aux plus modestes, d'inspirations variées mais toujours aussi inattendues qu'amusantes. 



Suivait une section, forcément modeste, présentant le sel et ses représentations symboliques dans l'art. Modeste car le musée Ernest Cognacq ne pouvait pas s'offrir la cène de Léonard de Vinci, ni même celle de Marco d'Oggiono, copie beaucoup plus lisible de cette dernière, toile où l'on voit une salière renversée sous la main de Judas qui est en train, en portant sa main gauche vers le plat commun, d'annoncer selon les 4 évangiles qu'il va trahir Jésus (3).


Le disciple renégat, qui tient dans sa main droit la bourse qui est le prix de sa trahison, renverse malencontreusement la salière, annonçant par cette maladresse la mort de Jésus et sa propre fin tragique. C'est d'ailleurs par référence à cet épisode que le sel renversé est, selon le bon sens populaire, censé porter malheur.


Mais par contre, le musée de Saintes avait prêté pour l'occasion une de ses plus belles toiles, cette splendide nature morte de Floris Van Shooten peinte en 1650. On y trouve un cône de sel enveloppé dans un papier gris, ce qui m'a bien surprise car j'avais toujours cru qu'il s'agissait d'un pain de sucre, le thème de la peinture étant pour moi le sucré et l'amer, symbolisé par les tranches de citron et l'écorce du même agrume. Il semble donc qu'il soit nécessaire que je revoie ma copie, cette pyramide au sommet tronqué étant, manifestement un gros morceau de sel. Ce qui est logique puisqu'il voisine avec un autre aliment fondamental et symbolique : le pain, rompu de surcroît ! Le sel, comme le pain, intervient dans la liturgie chrétienne. Au moment du baptême, il représente le sel de la sagesse et représente la nourriture spirituelle du nouveau-né.


Pour finir, l'exposition traitait du sel employé en cosmétologie, sous forme essentiellement de sels de bain, ceux que vantent cette publicité étant à trouver de toute urgence pour affronter sereinement les agapes de fin d'année !

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(1) Du genre : "Le sel est un solide cristallin dont la cohésion résulte d’un équilibre d’attraction entre ses particules, les anions chlorure Cl- et les cations Sodium Na+. Dans la mer et certaines sources ou lacs, le sodium et le chlore sont dissociés, sous terre ils sont associés et forment un cristal, le sel gemme."
(2) Toujours aussi savant "Le sel est aussi indispensable à la vie que l’oxygène ou l’eau. Les herbivores ont besoin d’un complément en sel, les carnivores trouvent ce complément dans le sang et la lymphe de leur proie. Depuis le Néolithique, apparition de l’agriculture et sédentarisation, l’homme a besoin d’un apport en sel pour équilibrer son métabolisme. Le sel apporte à notre organisme une grande part du sodium nécessaire à son bon fonctionnement. Le sodium est indispensable à l’équilibre hydrominéral de la cellule et évite ainsi la déshydratation ; il joue un rôle important dans beaucoup de fonctions comme la transmission de l’influx nerveux ou la contraction des muscles, en particulier, le muscle cardiaque. Le sang humain contient normalement 4 grammes de sel par litre. Facteur essentiel des transformations moléculaires et énergétiques et de la conservation des globules sanguins, le sel par le chlorure qu’il contient joue également un rôle important dans la digestion. Il augmente la sécrétion de la salive, celle du suc gastrique et provoque l’appétit et une meilleure assimilation des aliments. Pour un adulte, l’apport journalier en sel est de 2 à 5 grammes suivant son activité."
(3) Évangile de Luc, 22, 21 : « Cependant, voici que la main du traître est à cette table avec moi. » - Evangile de Marc, 14, 18-20: « Oui, je vous le déclare, l‘un de vous, qui mange avec moi, me livrera » ... « C‘est l‘un des Douze, qui se sert au même plat que moi...» - Évangile de Jean, 13, 25-26 : « Ce disciple, s‘étant penché contre la poitrine de Jésus, l’interrogea : « Seigneur, qui est-ce ? » Jésus répondit : C‘est celui à qui je donnerai le morceau que je vais tremper. Puis il trempa du pain et offrit le morceau à Judas, fils de Simon Iscariote. » …Lesquels évangélistes insistent tous sur l'horreur de cette trahison : « Dés qu’il eut pris le morceau de pain, Judas se hâta de sortir. ». Judas, ayant pris le morceau de pain, se hâta de sortir. » - Évangile de Matthieu, 26, 21-23 : « Durant le repas, il dit : « Oui, je vous le déclare, l’un de vous est prêt à me trahir ». Dans une profonde consternation, chacun se mit à lui dire: « Tout de même pas moi, Seigneur ? » Il répondit: « Celui qui a mis la main au plat avec moi, c‘est celui qui va me trahir. »


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