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AUGUSTE ET CLÉOPÂTRE

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J'entends d'ici Alter grogner : "mais ils n'ont aucun rapport ces deux-là"... Car Alter, toujours très soucieux de préparer notre séjour et d'éclairer ma lanterne historique souvent assez fumeuse, surtout quand il s'agit d'histoire romaine, s'est plongé avant de partir dans l'histoire du Haut Empire et j'avoue que ses lumières m'ont singulièrement aidée à apprécier les deux expositions qui étaient le prétexte de notre voyage romain et la suite logique et fort bienvenue de notre virée cornélienne le mois dernier à Bordeaux (1) L'une, directement liée au sujet de la mort de Pompée, se tenait au cloître de Bramante : Cléopâtre et le charme de l'Egypte (2)

Passionnante à plus d'un titre, l'exposition se proposait d'une part de mieux faire découvrir la reine d'Egypte, en particulier en s'attachant à identifier son vrai visage au travers de bustes et portraits, soumis à de sévères études pour s'assurer qu'ils reproduisent bien les traits de cette femme mythique. C'est ainsi que l'exposition s'ouvrait sur le magnifique portrait de la reine ptolémaïque conservé au Musée Capitolin et se terminait sur un délicat petit marbre la représentant dans sa toute première jeunesse, sans compter les marbres "retravaillés", comme ce buste d'Octavie, la sœur d'Auguste à laquelle on donna, Cléopâtre fut à la mode, les traits de cette dernière. Par ailleurs, les commissaires avaient décidé d'orienter l'exposition sur le fort courant d'égyptomanie que la conquête féminine de César fit naître dans le pays, quand elle vint s'y installer deux avant l'assassinat de ce dernier. Il faut dire qu'elle avait le sens de la mise en scène, du luxe et représentait sans doute un idéal féminin contre lequel les matrones romaines avaient du mal à lutter.


Neuf sections dans cette exposition, sections dont l'énoncé décrit bien l'intention des organisateurs
- Cléopâtre. La dernière reine d'Egypte
- La terre du Nil : consacrée à l'environnement fascinant de la rivière du Nil, montant en particulier l'influence de ce monde exotique sur l'imaginaire romain. On y admire fresques et mosaïques pompéiennes, avec crocodiles, ibis, fleurs de lotus et autres hippopotames tout à fait inédits sous le ciel italien
- Les souverains hellénistiques, ceux qui, comme Alexandre le Grand, ont oeuvré pour la grandeur de l'Egypte convoitée par César et défintivement conquise par Auguste
- Les dieux et le sacré dans l'Egypte ptolémaïqueà travers les statues, papurus, masques, sarcophages, obejts de culte qui permettent de mieux comprendre la culture que Cléopâtre amena à Rome
- Les arts : protagonistes et influences, autre aspect important de ce qu'était le pays quand la maîtresse de César arriva sur le Palatin


- Cléopâtre et Rome : arrivée dans la ville éternelle en 46 avant JC avec Césarion, la reine y imposa sa mode, sa vêture, la façon de se coiffer, des bijoux ornés du fameux serpent symbole de la royauté et de l'immortalité des rois, toutes choses que les riches romaines eurent rapidement envie de copier
- L'Egyptomanie : comme nous le fîmes autour des années 1800 lorsque Napoléon revint d'Egypte, la mode s'étendit aux demeures, qui se couvrirent de fresques et de mosaïques précieuses inspirées du Nil, à l'ameublement qui changea de forme, à la vaisselle qui devient d'albâtre, bref à tous les aspects de la vie quotidienne des riches patriciens romains
- Nouveaux cultes à Rome : tant et si bien que même les cultes égyptiens trouvent droit de cité à Rome, à commencer par celui d'Isis, déesse protectrice de la vie, mais aussi au niveau des dieux protecteurs de la navigation, aussi importante en Italie qu'en Egypte. On trouve ainsi des Anubis, Bes et autre Harpocrate scultpés dans des pierres romaines et vénérés dans les foyers de la péninsule
- Rome victorieuse : les nouveaux pharaons : en 30 avant JC, Octave Auguste conquiert définitivement l’Égypte après la calamiteuse bataille d'Actium (calamiteuse pour Marc-Antoine, qui se suicide, et pour Cléopâtre, qui n'a pas d'autre choix que de le suivre dans la tombe). Il fait éliminer Césarion afin que nul ne menace son pouvoir et endosse sans coup férir le rôle de Dieu Pharaon, n'hésitant pas à adopter les attributs de la fonction, au moins sur les statues qu'il diffuse dans son nouveau territoire.


Une exposition au total fort intéressante, admirablement conduite d'un point de vue didactique, et au cours de laquelle on apprend beaucoup sur cette période qui n'entre pas dans nos préoccupations habituelles ! On connait mieux de César la guerre des Gaules que ses frasques avec la belle Cléopâtre, sauf bien sûr à être un fervent d'Astérix !!


L'exposition du Quirinal continue l'Histoire là où celle du Cloître de Bramante l'abandonne : sobrement intitulée Auguste (3), elle se propose à l'occasion du bimillénaire de la mort de l'empereur de retracer les étapes de l'histoire éblouissante de cet outsider, mis en place par le testament de César à la surprise générale. Son gouvernement, qui a duré plus de 40 ans, a été le plus long de l'histoire de Rome et de l'Empire qui atteint alors son expansion maximale. La fin de la guerre civile, habilement présentée comme un moment de paix, de prospérité et d'abondance, est chantée par les poètes comme Virgile et Horace et marque l'émergence d'une nouvelle période historique pour la capitale de l'Empire.


Riche de nombreuses pièces de très grande qualité, l'exposition montre de fort belles statues d'Octave, de splendides camées provenant de Londres, Vienne et New York, l'étonnant trésor de Boscoreale qu'on peut admirer au Louvre, et la reconstitution d'un batiment public érigé en Campanie à la mémoire d'Auguste après sa mort et désormais divisé entre l'Espagne et la Hongrie.


Plus "sévère" dans sa conception que celle de Bramante, la manifestation vaut surtout pour la qualité de ses pièces et la conjonction des deux événements ajoute au plaisir de la visite : on en ressort nettement plus au fait des contingences et autres vicissitudes de la période située entre 48 avant JC et 14 après !!


Alter a finalement admis qu'Auguste et Cléopâtre, fussent-ils ennemis, étaient liés par la bataille d'Actium et que la fin tragique de l'impératrice égyptienne, souvent vilipendée par le fils adoptif de César, qui n'hésita pas à éliminer après sa mort le petit Césarion, était partie intégrante de la geste d'Auguste. Qui, une fois Cléopâtre disparue, fit du pays son grenier personnel et n'hésita pas à recevoir des honneurs pharaoniques qui le flattaient au point de se faire représenter en pharaon.
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Notes :
(1) Dans La Mort de Pompée de Corneille, la vérité historique est, semble-t-il, assez bien respectée par l'auteur et l'on apprend que cette petite intrigante de Cléopâtre va séduire le grand César qui la débarrassera fort aimablement de son désagréable petit frère, coupable en l'espèce d'avoir occis Pompée, croyant ainsi plaire au maître de Rome. Qui, semble-t-il, détestait le sang et était plutôt magnanime.
(2) exposition qui devrait, si mes informations sont justes, venir au printemps 2014 à la Pinacothèque de Paris. Comme est actuellement reçue par la même Pinacothèque l'exposition sur la Dynastie des Brueghel  vue au mois d'avril dernier au cloître de Bramante : ici et ici pour les détails.
(3) l'exposition viendra ensuite à Paris, au Grand Palais où elle s'ouvrira le 19 mars 2014 et où, jusqu'au 13 juillet elle offrira aux parisiens les mêmes merveilles qu'au Quirinal, s'appelant cette fois-ci "Moi Auguste, empereur de Rome"
Dans la même veine, l'exposition Frida Kahlo qui se tient actuellement au musée de l'Orangerie, sera à Roma au printemps prochain, justement au Quirinal.

Photos en provenance des sites des expositions : Augusto au Quirinal et Cleopatra, Roma e l'incantesimo dell'Egitto, et des catalogues.

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