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JE ME SUIS PROMENÉE DANS LA PEINTURE (2)

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Suite de Je me suis promenée dans la peinture (1)


En parcourant les sentes escarpées de la Villa Gregoriana, en déjeunant à l’auberge de la Sybille, j'étais bien sûr "dans la peinture", mais aussi "dans le texte", au travers des multiples récits des "illustres" visiteurs qui m'y ont précédée. Et dont je vous livre, pour le plaisir, les réflexions parfois naïves, parfois pertinentes, toujours émerveillées, que les lieux leur ont inspirés.


1581 : Un des premiers : Montaigne ... Le temple de la Sybille est alors une église, et il s'emploie à tenter de déchiffrer son fronton. Il observe, il analyse du mieux qu'il peut ce qu'il voit et qui l'impressionne, mais il finit par jeter l'éponge "Je ne sçai ce que ce peut estre" !! Voilà qui est fort embarrassant avec ces restes incomplets et mystérieux !


1739-40 Le président de Brosses déplore que tout cela soit, malgré sa beauté, en fort mauvais état, et préconise tout simplement de "réparer cette charmante antique". Faut dire que cela aurait plus d'allure reconstruit à l'identique, et surtout sans lacune !!


Pourtant il admet volontiers que le "bâtiment moderne, quoique joli, ne vaille pas l'ancien" ! S'il avait connu Viollet de Duc, qu'en aurait-il pensé ??



1760 : Fragonard accompagne l'abbé de Saint-Non lors de son voyage en Italie, et ils notent leurs souvenirs de voyage. Les habitants de Tivoli, les malheureux, "passent, avec raison, pour être très mauvais" !! Mais le joli petit temple de Vesta, pris à tort par les voyageurs pour celui d'Hercule ou de la Sibylle, trouve grâce à leurs yeux...


... et mérite le coup de sanguine du peintre : "dans les plus belles proportions et d'une exécution admirable... c'est un des bâtiments les plus curieux qu'il y ait aux environs de Rome" .


1803, Chateaubriand est de mauvaise humeur, sa "disposition d'âme ne porte guère au voyage" !! Il trouve finalement Tivoli, de jour comme de nuit, assez décevante, "une montagne dépouillée", "cascade qui lui parait petite", et "un amas de vilaines maisons"...


Qu'aurait-il ce pauvre François-René s'il avait contemplé, atterré, les immeubles calamiteux, triomphalement érigés au milieu du siècle dernier, juste en face de ce site unique !! Seul le temple de Vesta, éclairé par l'aurore, le console !! Comme il nous console encore aujourd'hui des dégâts d'un urbanisme non maîtrisé.


1807 la baronne de Staël installe son héroïne Corinne dans une belle villa face aux deux temples...


... cela aurait pu être là ! Quel lieu pouvait mieux convenir à sa poétesse éprise de liberté et d'indépendance "que le séjour consacré à la Sibylle, à la mémoire d'une femme animée par une inspiration divine?".


1819 C'est au tour d'Antoine-Laurent de Catellan de s'inviter à l'auberge de la Sibylle. Et le maître des lieux s'attendrit de rencontrer un français, car il hébergé nombre d'artistes français venus peindre ces lieux mythiques.


"Ont-ils fait de beaux tableaux de Tivoli ?" demande-t-il à son hôte, qu'il installe "dans une jolie chambre voisine du temple de la Sibylle ou plutôt de Vesta, et en vue de la grande cascade"... de quoi rêver aux toiles réalisées par ses compatriotes !! Comme celle que j'ai choisi d'inclure ci-dessus, réalisée par Lancelot-Théodore Turpin de Crissé, qui était à Rome en 1808 et peut donc avoir rencontré l'aubergiste dont parle Castellan !!


En 1862-64, les travaux ordonnés par Grégoire XVI sont terminés, et Louise Colet ferait bien de l'auberge de la Sybille sa demeure de vacances. Elle prévoit même les travaux à faire "je me contenterais de l'embellir au dedans; au-dehors, je revêtirais seulement de lierre ses murs nus"...


... Louise Colet n'aurait donc pas désapprouvé l'initiative des propriétaires actuels qui ont planté là, il y a dans doute presque 100 ans, une somptueuse glycine, qui n'aurait pas déparé dans le son projet de réhabilitation de l'endroit en demeure de charme ! Et fort heureusement, dans l’entre-temps, le "malencontreux clocher" planté au milieu d'une toiture moderne sur le temple de la Sibylle a disparu, comme la couverture de ce qui n'est plus, Dieu garde, "une église de San Giorgio".


Et voici, en 1869, le dernier mot émis, d'une plume allègre et acérée, par la belle Georges Sand. Les ruines lui pèsent et seul "le charmant temple de la Sibylle, au-dessus du gouffre de Tivoli" trouve grâce à ses yeux...


... quant à la malheureuse auberge qui l'accueille, elle la décrit avec force mauvaise humeur !! "Je passai la nuit dans le plus affreux lit et dans la plus affreuse chambre de l'affreuse auberge de la Sibylle, un vrai coupe-gorge d'opéra-comique"... On ne le croirait guère à la voir, tout rose à côté des deux temples et du pin obligé !!
Avouez que cela valait la balade !!

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