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Pensons-nous toujours de la même façon ?

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« Ces dernières années, j'ai eu la désagréable impression que quelqu'un, ou quelque chose, bricolait mon cerveau, en reconnectait les circuits neuronaux, reprogrammait ma mémoire. Je ne pense plus de la même façon qu'avant. C'est quand je lis que ça devient le plus flagrant. Auparavant, me plonger dans un livre ou dans un long article ne me posait aucun problème. [...] Désormais, ma concentration commence à s'effilocher au bout de deux ou trois pages. [...] Mon esprit attend désormais les informations de la façon dont le Net les distribue : comme un flux de particules s'écoulant rapidement. Auparavant, j'étais un plongeur dans une mer de mots. Désormais, je fends la surface comme un pilote de jet-ski. » Ces lignes de l'essayiste et blogueur américain Nicholas Carr, publiées en juin 2008 dans un article du magazine The Atlantic de juin 2008,  ont déclenché un immense débat, qui ne cesse de caracoler sur la Toile.
Toute invention technologique inquiète, c'est un truisme que de le rappeler. Platon déjà, faisait dire à Socrate que l'écriture "ne produira[it] que l'oubli dans l'esprit de ceux qui apprennent, en leur faisant négliger la mémoire ..." ajoutant "ils laisseront à ces caractères étrangers le soin de leur rappeler ce qu'ils auront confié à l'écriture, et n'en garderont eux-mêmes aucun souvenir." (1)


Conrad Gesner, un naturaliste suisse du XVIe siècle, est troublé par le surcroît d'informations que l'invention de l'imprimerie allait engendrer, créant à son avis "une situation déroutante et nuisible"(2). C'est ainsi que, pour organiser un peu tous ces savoirs dont l'abondance l'alarme, il s’attelle dès l'âge de 25 ans, à produire un catalogue bibliographique de toutes les œuvres écrites en latin, grec et hébreu, imprimées ou manuscrites (3) – devenant en quelque sorte le "père de la bibliographie". Son objectif était de montrer, pour la masse des ouvrages existants, une totalité cohérente et identifiable au premier coup d’œil, grâce à une présentation tabulaire. Cette volonté de recenser, d’indexer et de classer les ouvrages répond également à l’inquiétude que la multiplication des livres – autrement dit, l’excès d’information – conduise à la perte d’un certains nombre des textes hérités et conservés par la tradition (4). D'autres se sont insurgés, invoquant des dangers prévisibles sur la santé mentale de leurs contemporains, contre la liberté de la presse ou l'alphabétisation des masses, ou encore, contre le diffusion de l'éducation. Que n'a-t-on dit de la radio, suspecte détourner les enfants de la lecture et de diminuer leurs performances scolaires, et plus encore de la télévision, accusée quant à elle de mettre en péril la radio, la conversation, la lecture, et même le noyau familial. Le pire de ses maux étant qu’elle nous pouvait que provoquer une vulgarisation accrue de la culture américaine.


La démocratisation de l'ordinateur personnel et la multiplication de moyens d'accès immédiats et faciles à internet ne peut, dans une telle habitude de protection contre la nouveauté, qu’entraîner à son tour des réflexes de repli et des relents de chasse aux sorcières. D'autant que, comme lors de chaque évolution technologique, les "anciens" se sentent un peu dépassés et trouvent rassurants de se réfugier dans leurs anciennes méthodes (5). Alors entre le soupçon que les mails puissent être plus dangereux pour le QI que le cannabis, très sérieusement émis par CNN, l'affirmation par The Telegraph que Twitter et Facebook nuisent aux valeurs morales ou, pire, rendent ceux qui l'utilisent, incapables de tisser du lien social, on n'hésite devant aucune accusation pour crier "haro" sur la nouveauté. Témoin le Daily mail qui accuse le même Facebook d'augmenter les risques de cancer.
Cependant, sorti de ces excès qui sont propres aux angoisses de l'inconnu que provoque l'évolution pas toujours contrôlée des nouvelles technologies, certains faits sont patents et incontestables, qui nous tourneboulent les méninges et l'on ne peut s'empêcher de se poser des questions basiques du genre "mais comment tout cela va-t-il se terminer ?". Nul ne doute plus aujourd'hui que l'addiction à l'information soit devenue une vraie dépendance, comme le souligne le New-York Times et comme nous le constatons dès nous sommes entre amis : dès que surgit un doute sur un événement, une date, une recette ou une définition, il se trouve toujours quelque bonne âme qui sort sa tablette et qui donne la réponse aux assistants ravis de voir l'affaire si vite résolue. Mais rien ne semble pouvoir démonter scientifiquement que, comme l'affirme Nicholas Carr, Internet (Carr parle quant à lui de Google) nous rende idiot. A l'inverse de la télévision dont le recul permet de dire, étude à l'appui, son écoute intensive dès la petite enfance soit associée à des problèmes d'attention à l'adolescence, indépendants des problèmes d'attention précoces et autres facteurs de confusion, troubles dont les effets peuvent être de longue durée.
Pourtant ...


Pourtant, peut-on sérieusement nier qu'Internet a pris une place considérable dans nos vies, voire dans nos modes de pensée ? Il est, dans ces conditions, naturel de s'interroger sur ce que vont devenir ceux que Benoit Sillard nomme, dans son livre Internet en 2049 : maîtres ou esclaves du numérique ?, des "Homo Zappiens"... autant dire les digital natives. Mais l'auteur, après avoir justement souligné les avantages indéniables que procure à l'esprit la fréquentation assidue de la Toile, s'inquiète du prix à payer : érosion de la faculté de concentration, et, partant, de réflexion(6).
La faculté de concentration sur Internet, parlons-en : c'est vrai qu'elle en prend un coup. Un site spécialisé dans le conseil en communication et qui se pique de donner des conseils pour retenir les internautes sur votre site, note (la page est de février 2015) que "lorsque l’internaute moyen navigue sur le web, son temps d’attention est d’environ huit secondes. Et selon une étude du National Center for Biotechnology Information, cette période d’attention est à la baisse puisqu’elle était de douze secondes en 2000. Huit secondes, c’est court. Et pour bien insister là-dessus, l’étude cite le temps d’attention moyen du poisson rouge qui est de… neuf secondes! En fait, notre temps d’attention est tellement à la baisse que si une page web met plus de quatre secondes à s’afficher, 25 % d’entre nous sommes déjà ailleurs. Quel que soit le site visité, la moyenne d’une visite se situe entre 30 et 60 secondes et les entreprises n’ont que 15 secondes pour nous intéresser." Et d'ajouter plus loin que "le site de mesure de performance Chartbeat affirme que 55 % des internautes ne sont pas actifs dans une page plus de 15 secondes. C’est particulièrement étonnant pour les sites qui offrent des articles de fond. Ça veut dire que les gens cliquent sur l’article, mais ne le lisent pas !". Pire "Chartbeat a étudié 10 000 articles et ils ont constaté qu’il n’y a absolument aucun lien entre le nombre de partages et le temps d’attention qui lui a été consacré. Encore plus curieux, les gens partagent des articles qu’ils n’ont même pas lus !".
Sommes-nous en train de devenir des obèses mentaux, gavés d'informations, ravagés par la surconsommation et, partant, la "malbouffe" ? À ceci près que ces informations, nous ne les assimilons pas, vous les effleurons, nous les survolons, et que, loin de nous enrichir, elles nous appauvrissent souvent en nous donnant la triste habitude de zapper, de passer comme l'éclair, curieux d'autre chose, de plus de variété, insatiables sur la découverte et l'inédit. Que celui qui n'a jamais proclamé, triomphant : "tu as vu telle fadaise"– forcément exotique, parfaitement inutile et certainement mal référencée –, jette la première pierre.


Anne Pichon, dans son excellent article de Psychologie, propose en introduction une expérience originale et, selon elle, carrément dépaysante : ouvrir un livre (papier, un vrai) au hasard, et lire une phrase, s'en délecter, s'y noyer juste entouré de mots "nus". "Pas de mot souligné en bleu pour indiquer une explication cachée, pas d’échappatoire vers un lien hypertexte, juste une phrase têtue, qui ne veut pas délivrer son sens, et encore moins disparaître." C'est à cet égard la plus grande curiosité des badauds qui vous voient aborder une liseuse : "comment ? pas de couleur, pas de lien vers internet, rien que des phrases ? et cette désespérante allure de livre de poche noir sur blanc ?" Et l'auteure de l'article qui souligne au passage que "Lire, se détendre, suivre une conversation, être à l’écoute de ses proches, se « poser », tout simplement, ne va plus de soi." se demande si une révolution silencieuse ne serait pas en train de se produire à l’intérieur de nos crânes ?
Pour nous, je ne sais trop ce qu'il en est : nous avons grandi sans télévision, et notre méthode de pensée s'appuie encore sur l'écrit traditionnel qu'on peut, à condition d'y être attentif, continuer à pratiquer comme un des Beaux-Arts, soit en le pratiquant, soit, au moins, en le lisant, à travers les lignes et dans sa forme la plus classique, imprimée.
Certes, nous sommes forcément soumis au phénomène de saturation de la mémoire qu'engendre la fréquentation d'Internet.(7) Et le danger est grand, en vieillissant, quand la mémoire justement devient paresseuse, de se laisser envahir par une paresse salutaire, et de s'en remettre simplement au clic pour résoudre tous nos problèmes de souvenance.
Et si nous pratiquons Internet, nous savons, en principe, réévaluer, réorganiser ce qui nous apparaît à l’écran. Grâce à la « plasticité cérébrale », notre cerveau est capable de s'adapter et notre formation "classique", humaniste, nous donne les outils pour ne pas nous laisser submerger. Même si notre œil est trop sollicité par l'organisation des signes sur l'écran, nous savons et pouvons le reposer dans la lecture linéaire d'un bon vieux bouquin "imprimé". Car nous savons, et nous aimons lire. Et nos acquis culturels préservent, normalement, notre esprit critique devant la marée d'informations que nous propose la Toile. Et d'y trier ce qui permet de nous "tenir à jour", devant l'obsolescence inévitable de nombre d'entre elles.


Mais pour les jeunes générations, non pourvues de nos antiques facultés de réflexion, lentes mais méthodiques, ancrées sur un vaste matelas de références qui nous apportent des outils de mesure et ce qu'il est convenu d'appeler le sens des valeurs, qu'en est-il ? On nous apprend que, aux Etats Unis en tout cas, à partir de 5 ans, plus de la moitié des enfants utilisent régulièrement un ordinateur ou un tablette, proportion qui passe à 95% pour les teens agers (12 à 17 ans) et que 80% zonent sur les réseaux sociaux. Et, de fait, nous avons tous croisé, ces derniers temps, des ados plongés dans leur smartphone et dont les parents tentaient, vaille que vaille mais sans y parvenir, de limiter le temps d'accès à Internet. Se demandant jusqu'à plus soif ce qu'ils pouvaient bien fabriquer avec leurs copains, pour y passer tant de temps.
Et on ajoute, sans le démontrer cependant, que ces jeunes digiborigènes souffrent d’une incapacité à lire attentivement, sont surchargés d’informations au point de ne plus savoir comment s’organiser, et parce qu’ils font 50 choses en même temps, sont incapables de se concentrer et d’apprendre.
N'en doutons pas, Internet va redéfinir l'intelligence, pas de raison qu'il la fasse disparaître. François Taddei, chercheur en génétique, explique que la forme de cohérence qui nous permettait de juger du niveau d'intelligence de quelqu'un n’est déjà plus pertinente. « Il nous faut apprendre à vivre avec des informations instables, des réponses partielles, dans un monde mouvant. » Il voit dans Internet « une chance de combiner toutes nos intelligences ». Pas de doute possible, de nombreux travaux le prouvent, on est plus intelligent à plusieurs : la dernière étude en date fait valoir qu’un groupe dominé par une ou deux personnes est moins capable d’aboutir à une solution que lorsque la distribution de l’expression se fait de façon plus égale. Internet bouscule nos certitudes, remet en cause la transmission et la répartition du savoir et, forcément, nous déstabilise, voire nous inquiète.
Ceci étant, ceux qui sont arrivés jusqu'ici l'auront compris : cet article est une vraie provocation ! Au pays du "8 secondes par page", une telle diatribe n'a pas lieu d'être et se révèle totalement anachronique. Mieux, elle n'y a pas sa place. Et pourtant, Internet me permet, en tout impunité, voire en parfaite désinvolture, de me livrer à l'exercice, voire d'y prendre un certain plaisir ! Celui des mots "presque" nus ... même si l'article s'habille, par souci de correction, de pas mal de liens vers les écrits qui l'ont soutenu. Et qui sait, il y aura peut-être même quelques lecteurs qui, parvenus à ce niveau du texte, feront, eux aussi, mentir les prévisionnistes alarmistes : non, Internet ne rend pas forcément idiot, mieux, il incite à "prendre la plume", chose que je n'aurais pas forcément faite sans ce blog !



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Notes

(1) Dans Phèdre de Platon (pages 120 à 124, traduction de Victor Cousin)

PHÈDRE.
Plaisante question. Mais dis donc ce que tu as appris des anciens ?
SOCRATE. J'ai entendu dire que près de Naucratis, il y eut un dieu, l'un des plus anciennement adorés dans le pays, ... ce dieu s'appelle Theuth. On dit qu'il a inventé le premier les nombres, le calcul, la géométrie et l'astronomie ; les jeux d'échecs, de dés, et l'écriture. L'Égypte toute entière était alors, sous la domination de Thamus... Theuth vint ... trouver le roi, lui montra les arts qu'il avait inventés, et lui dit qu'il fallait en faire part à tous les Égyptiens, Celui-ci lui demanda de quelle utilité serait chacun de ces arts, et se mit à disserter sur tout ce que Theuth disait au sujet de ses inventions, blâmant ceci, approuvant cela. Ainsi Thamus allégua, dit-on, au dieu Theuth beaucoup de raisons pour et contre chaque art en particulier. Il serait trop long de les parcourir ; mais lorsqu'ils en furent à l'écriture : Cette science, ô roi! lui dit Theuth, rendra les Égyptiens plus savants et soulagera leur mémoire. C'est un remède que j'ai trouvé contre la difficulté d'apprendre et de savoir. Le roi répondit : Industrieux Theuth, tel homme est capable d'enfanter les arts, tel autre d'apprécier les avantages ou les désavantages qui peuvent résulter de leur emploi; et toi, père de l'écriture, par une bienveillance naturelle pour ton ouvrage, tu l'as vu tout autre qu'il n'est : il ne produira que l'oubli dans l'esprit de ceux qui apprennent, en leur faisant négliger la mémoire. En effet, ils laisseront à ces caractères étrangers le soin de leur rappeler ce qu'ils auront confié à l'écriture, et n'en garderont eux-mêmes aucun souvenir. Tu n'as donc point trouvé un moyen pour la mémoire, mais pour la simple réminiscence, et tu n'offres à tes disciples que le nom de la science sans la réalité; car, lorsqu'ils auront lu beaucoup de choses sans maîtres, ils se croiront de nombreuses connaissances, tout ignorants qu'ils seront pour la plupart, et la fausse opinion qu'ils auront de, leur science les rendra insupportables dans le commerce de la vie.
.........
PHÈDRE. 
Tu as raison de me reprendre, et il me semble qu'au sujet de l'écriture le Thébain a raison.
SOCRATE.
Celui donc qui prétend laisser l'art consigné dans les pages d'un livre, et celui qui croit l'y puiser, comme s'il pouvait sortir d'un écrit quelque chose de clair et de solide, me paraît d'une grande simplicité ...
PHÈDRE.
C'est fort juste.
SOCRATE. Car voici l'inconvénient de l'écriture, mon cher Phèdre, comme de la peinture. Les productions de ce dernier art semblent vivantes; mais interrogez-les, elles vous répondront par un grave silence. Il en est de même des discours écrits : vous croiriez, à les entendre, qu'ils sont bien savants; mais questionnez-les sur quelqu'une des choses qu'ils contiennent, ils vous feront toujours la même réponse. Une fois écrit, un discours roule de tous côtés, dans les mains de ceux qui le comprennent comme de ceux pour qui il n'est pas fait, et il ne sait pas même à qui il doit parler, avec qui il doit se taire. Méprisé ou attaqué injustement, il a toujours besoin que son père vienne à son secours; car il ne peut ni résister ni se secourir lui-même.

(2) Conrad Gesner, Bibliotheca universalis, Zürich, 1545, sig.*3v, cité dans : Blair, Ann. “Reading strategies for coping with information overload ca.1550-1700″ in Journal of the history of ideas, vol. 64, n° 1, (Jan. 2003), p. 11-28

(3) Ce projet abouti en 1545 avec la publication chez Froschauer de la Bibliotheca universalis, où ils recensent 10 000 œuvres de 3 000 auteurs différents, par ordre alphabétique d’auteur. Pandectarum sive partitionum universalium libri XIX., publié en 1548, est le second tome de cette Bibliotheca universalis. Cette fois-ci, l’ouvrage comprend également des écrits en langues vulgaires. Les œuvres ne sont plus classées alphabétiquement, mais par discipline. Cet arrangement systématique répond à une division des savoirs qui est présentée sous forme d’un tableau dans le livre même.
Source Bibulyon

(4) ... ce qui peut sembler un paradoxe. Cette inquiétude est exprimée par Henri Estienne dans deux petites dédicaces à Gesner en grec et en latin : Néanmoins il faut maintenant louer ta volonté/ de sauver les textes que tu peux du naufrage.

(5) Dans The Salmon of Doubt (2002),  l'écrivain Douglas Adams explique que ce qui existait déjà quand nous sommes nés nous semble normal, qu'on se jette avec avidité sur tout ce qui apparaît avant nos 35 ans, et enfin, qu'on se méfie de tout ce qui est inventé après.

(6) « Pour moi, comme pour d'autres, le Net est devenu un média universel, le tuyau d'où proviennent la plupart des informations qui passent par mes yeux et mes oreilles. Les avantages sont nombreux d'avoir un accès immédiat à un magasin d'information d'une telle richesse, et ces avantages ont été largement décrits et applaudis comme il se doit. [...] Mais cette aubaine a un prix. [...] Les médias ne sont pas uniquement un canal passif d'information. Ils fournissent les bases de la réflexion, mais ils modèlent également le processus de la pensée. Et il semble que le Net érode ma capacité de concentration et de réflexion. Mon esprit attend désormais les informations de la façon dont le Net les distribue : comme un flux de particules s'écoulant rapidement. Auparavant, j'étais un plongeur dans une mer de mots. Désormais, je fends la surface comme un pilote de jet-ski. »
Cité par le JDN

(7) Les quelque deux cent mille informations visuelles qui parviennent au cerveau toutes les secondes sont beaucoup plus difficiles à mémoriser, parce qu’elles ne lui parviennent pas avec la même cadence, avec la même cohérence : publicités intempestives, dédales de liens hypertextes…, sur Internet beaucoup trop de données nous font perdre le fil, interrompent nos processus cérébraux. Cela se traduit directement par une surchauffe de notre mémoire de travail, celle qui nous permet, par exemple, de retenir quelques secondes un numéro de téléphone, une date, nécessaires pour enchaîner l’action suivante : téléphoner, griffonner une note dans un agenda… S’il est possible d’enchaîner rapidement ces actions, comme en « pilotage automatique », il est surhumain d’essayer de tout faire à la fois. Et pourtant, c’est ce type d’effort qu’Internet exige de notre cerveau. Et en jet continu. « Cela dit, précise François Taddei, chercheur à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), le corpus de savoir de l’humanité est immense, et plus personne ne peut prétendre tout connaître, comme au temps de Diderot. » L’apprentissage scolastique, l’intelligence du « par coeur » n’ont plus cours. La question n’est donc plus de mémoriser le savoir, d’autant que « le savoir est disponible partout, tout le temps ».
Source Psychologies

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