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Boldini à Forli : le spectacle de la modernité (2)

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Paris, le spectacle de la modernité (1)


Scène de fête au Moulin Rouge - 1889
Paris, Musée d'Orsay

Au tournant des années 80, la peinture de Boldini subit une profonde transformation, par la découverte de thèmes encore inédits pour lui : la ville moderne, lieu de vie nocturne, de fêtes et de misères cachées, si chère aux peintres impressionnistes, l'inspire à son tour.

Ballerine espagnole au Moulin Rouge - 1905
Ann & Gordon Getty

Mais à sa façon : il réalise, d'un pinceau alerte et ébouriffant de virtuosité, des loges de théâtre, des scènes de café-concert, des salons de musique.

Vendeur de journaux parisien - 1880
Musée de Capodimonte à Naples

Musiciens, ballerines, chanteurs, groupes de jeunes gens assis dans des cafés font leur apparition dans son répertoire. Il aime Degas, et on le sent dans ces toiles où l’influence de son nouvel ami dont l'atelier est tout proche du sien, place Pigalle.

La leçon de piano - 1896 ... et son ébouriffant contraste entre la rigidité austère du professeur et l'exaltation forcée de la jeune et jolie élève.
Collection privée

Il réalise des compositions originales et enlevées, n'hésitant pas à laisser dans le flou certaines parties de ses toiles pour en souligner d'autres, donnant au spectateur un sentiment d'immédiateté, de "bougé", et laissant la part belle à l'imaginaire.

Les violettes de la pensée - 1910
Galerie Bottegantina, Milan-Bologne

Le trait est vif, enlevé, musical. Le pinceau est agile et vibrant, la touche est nerveuse et riche. Les toiles de ces années-là ont du rythme et, comme toujours avec Boldini, du "chien".

Nu de femme assise - 1880-85
Collection privée (Enrico Gallery d'Arte)

La figure féminine, déjà, triomphe et il s'adonne volontiers au nu : ses femmes sont sensuelles, elles bougent, elles vivent, Boldini suggère le mouvement qui se prépare ou celui qui s'achève. C'est la maître absolu du vibrato.

L'apothéose du portrait 
à travers ses dimensions publiques et privées

Le chef d'orchestre Emanuel Muzio en train de diriger - 1882
Fondation Verdi à Milan

Toujours vers la même époque, fin des années 1870 et après la rupture avec Goupil, Boldini renoue avec un genre qu'il avait pratiqué à Florence avant de venir s'établir à Paris, le portrait.

Henri de Rochefort-Luçay - 1881-82
Paris, Musée d'Orsay

C'est un excellent moyen de promotion sociale et il séduit une riche clientèle bourgeoise qui éprouve le besoin de se faire représenter, théoriquement à son avantage (théoriquement, car Boldini ne fait aucun cadeau à ses modèles : sa "plume" est acérée et son oeil impitoyable), du moins par un artiste en vue !!).

Antonio Starrabba, marquis de Rudini - 1898
Palerme, société sicilienne pour l'histoire de la Patrie

Il y est aidé par sa nouvelle conquête, la comtesse Gabrielle de Rasty, qui l'introduit auprès de tous ceux qui comptent dans la capitale et qui sont fiers de lui commander leur portrait, et, plus tard, ceux de leurs épouses. Rapidement il réalise des portraits d'envergure.

Guiseppe Verdi - 1886-93
Milan, maison de retraite pour les musiciens, fondation G.Verdi

C'est ainsi qu'en 1886, il réalise une première fois le portrait de Giuseppe Verdi sur toile (Milan, Galleria d'Arte Moderna) qu'il le lui donnera sept ans plus tard à Milan. Mais, insatisfait du résultat - et de fait, le musicien quoique fort bien peint, présente sur cette toile une raideur qui trahit un manque de feeling entre le peintre et son modèle - il le refait quelques jours plus tard ...

Guiseppe verdi en haut de forme - 1886 (pastel)
Rome, Galerie d'Art Moderne

au pastel en seulement cinq heures. Une "pochade" qui est certainement un de ses portraits d'homme parmi les plus réussis : tout y est, l'acuité du regard, la transparence troublante de ces yeux d'un bleu limpide, une certaine mélancolie, la fermeté de caractère du compositeur...



L'anecdote me rappelle l'histoire du portrait de Wagner réalisé en Sicile en un temps record par Renoir, car le "maître" s’impatientait, et franchement raté. Comme si le choc de deux personnalités trop affirmées paralysait le génie de l'artiste ! Le peintre conserve d'abord ce pastel mythique pour le présenter lors des expositions universelles, de Paris en 1889, de Bruxelles en 1897 et à la première Biennale de Venise, pour le donner finalement à la Galerie d'Art Moderne de Rome en 1918.

La comtesse de Rasty sur un divan - 1878
Collection privée

Quant à sa riche et brillante maîtresse, la comtesse Gabrielle de Rasty, grâce à laquelle il était devenu la coqueluche incontournable de la bonne société parisienne, il en a laissé de nombreux portraits dont l'ardeur montre l'importance de sa passion amoureuse et qui traduisent une évidente complicité entre eux. La belle était mariée (Boldini a même portraituré son époux) et nombre de ses représentations sont officielles, c'est à dire susceptibles d'être vues de tous. Mais entre les deux, la liaison est torride au point que le peintre loue à sa dulcinée une garçonnière, au 24 de la rue Trudaine, pour y passer de longs moments, voire, une année, des vacances, avec elle.

La comtesse de Rasty couchée - 1880 (pastel)
Collection privée

Il en reste des œuvres nettement moins "avouables" comme ce pastel aux accents intimes et érotiques, où, dans la claire lumière d'une journée d'été, la comtesse s’alanguit sans pudeur, dévoilant au peintre ses charmes les plus secrets. Dans cette scène privée, la femme, esquissant un sourire comblé, semble prête à s'étirer, avec une douce langueur. Leur liaison, commencée en 1874, durera de nombreuses années, avec diverses fortunes Boldini, étant, nous le savons, un "homme à femmes" !


A SUIVRE
Boldini à Forli : le spectacle de la modernité (3)
Boldini à Forli : le spectacle de la modernité (4)

(1) Exposition à Forli : Boldini, le spectacle de la modernité, jusqu'au 15 juin 2015. Une manifestation extraordinaire, riche de plus de 250 oeuvres, toiles et sculptures de Boldini, bien sûr, mais aussi de ses amis macchiaioli, de ses amis français, Helleu, Sem, du sculpteur Troubetskoi, du peintre de Nittus, de Zandomeneghi, assortis d'un Goya et deux 2 Van Dyck...  etc etc !  Une des plus belles expositions jamais vues, par l'intelligence de son cheminement, la richesse de ses trésors et le choix des œuvres présentées. 

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