Le musée de Cognac, que nous n'étions guère allés revisiter depuis notre installation charentaise, autant dire les calendes grecques, nous a, dès l'entrée, réservé une jolie surprise. Une salle entière consacrée à Gaston Balande (1), avec 5 toiles de belles dimensions, datant des débuts de la carrière de l'artiste. L'inspiration est encore sévère, le peintre est influencé par ses maîtres (Cormon, Harpignies, Jean-Paul Laurens...) et ses toiles donnent dans un genre austère et réaliste. Les teintes sont lourdes et ce n'est qu'après son voyage en Espagne que sa palette va s'alléger et devenir celle qui le caractérisera durant tout le reste de sa carrière.
Une toile datant d'avant 1913, puisqu'elle représente La pêche à Étaples, et nous savons que le peintre a quitté la Normandie à cette date là. Son style est encore très "réaliste", presque vériste, la lumière est là, mais le traitement est un peu triste.
Dans la même veine, mais peinte dans sa région natale, cette "Pêche aux huîtres à Talmont", titre au demeurant un peu approximatif. On aperçoit, en effet, Talmont au loin, mais le remassage des coquillages a lieu, c'est certain, sur le port de Meschers.
L'inspiration est encore très XIXe, c'est, comme pour Étaples, une étude sociale de travailleurs et de pauvres gens vêtus modestement, courbés sous leur tache harassante. Cependant ici, les couleurs s'affirment davantage et le ciel charentais est plus éclatant que celui du Pas de Calais.
Une très émouvante peinture de 1910, aux teintes encore classiques mais au sujet audacieux : Triple portrait au bord de l'Océan, Monsieur Caminade, Monsieur et Madame Balande. Je ne sais trop qui est ce monsieur Caminade, un client ? un ami ? mais il marche d'un pas vif et décidé, tête nue dans l'air frais de cette fin d'après-midi, chapeau de paille à la main et canne conquérante.
Au loin, le ciel se charge de lourds nuages sombres, une houle déjà vigoureuse agite l'océan et les falaises de la côte brillent dans les derniers rayons du soleil qui s'estompe. On pourrait être sur l'estuaire, vers Saint Georges de Didonne ou Royan. L'orage monte : on devine le vent qui forcit à la pause inclinée de la femme, et le peintre, chargé de tout son barda, est obligé de tenir sa casquette.
Gaston Balande, moustache fournie et barbichette Second Empire, coule un regard inquiet, presque réprobateur, vers monsieur Caminade qui continue sa promenade, têtu, l'air assuré, le regard au loin et les joues rosies par le vent.
Durant son service militaire, Balande est infirmier, d'abord à Bordeaux, puis à La Rochelle et enfin au Val de Grâce. Mais, souffrant de troubles pulmonaires, il est réformé et soigné à l'hôpital de Saujon. C'est là qu'il rencontre Claire Roux, originaire du Gua et qu'il l'épouse. Leur premier et unique enfant, André, naît en 1904. C'est donc elle, emmitouflée dans un grand fichu bleu qui arrime solidement sa capeline de paille. Elle s'abrite sous un parapluie qui servait l'instant d'avant à la protéger du soleil. On a l'impression qu'elle se blottit derrière la large carrure de Caminade, pressée et craintive.
On a vraiment l'impression que cette toile raconte une histoire : le trio était parti se promener sur la grève, il faisait un grand et beau soleil puisque tous avaient pris leurs vastes couvre-chefs de paille. Le peintre avait emporté son matériel et s'était installé pour peindre le paysage ou sa femme. Puis tout d'un coup, une petite brise s'est levée et notre petite compagnie a décidé de plier bagage et de rentrer au plus vite, sentant la pluie venir. Tous se hâtent, entraînés par le pas martial de monsieur Caminade qui a affirmé que la pluie ne le gênait guère mais que madame allait mouiller sa jolie robe jaune. Gaston a replié son matériel à la hâte, peut-être contrarié d'avoir à délaisser cette belle lumière de l'orage qui monte, et il se hâte à côté de son ami qu'il peine presque à suivre, cramponné à sa casquette qui menace de s'envoler.
Portrait de Paul Gouineau jouant au tennis, 1912
Assez bizarrement représenté sur un fond de paysage et non sur un court, le personnage est jeune et pose avec une légère affectation, quoique le peintre ait voulu représenter le mouvement. Au loin, la campagne qui ondoie ressemble à s'y méprendre aux doux vallonnements saintongeais. Les teintes, franches et lumineuses, sont celle que le peintre affectionnera durant toute sa carrière. 1912 est, je le rappelle (1) l'année où Balande obtint une bourse pour "voyager", en particulier en Andalousie où sa palette devient tout à coup plus avide de lumière.
Un très caractéristique paysage des Environs de La Rochelle(1933), horizon absolument plat, ciel pommelé et mobile, quelques arbres battus par les vents et cette lumière d'Aunis qui met du relief partout ! Balande a depuis longtemps abandonné la palette sombre de ses débuts et la couleur chante sous son pinceau. La touche est vibrante, il se plait à donner au ciel les deux tiers de la toile et incline son pinceau dans le sens du vent !
(1) GASTON BALANDE : UN PEINTRE A DÉCOUVRIR (1)
GASTON BALANDE : LA CRUCIFIXION DE SAUJON (2)
ANDRÉ DELAUZIÈRES
A LA RECHERCHE DE GASTON BALANDE
GASTON BALANDE, DEUXIÈME : le "Musée" de SAUJON (1)
GASTON BALANDE, DEUXIÈME : le "Musée" de SAUJON (2)
SUR LES PAS DE BALANDE A LAUZIÈRES