Le musée d'Archéologie de Ferrare, installé dans le palais Costabili, est exceptionnellement bien agencé, riche et présenté de manière à la fois didactique et esthétique. Il est immense et je ne vais pas vous infliger toute sa visite : on en voit assez bien les principales richesses sur le site officiel. Je m'arrêterai juste à la salle dite du Trésor, une pièce à l'écart du palais, donnant sur les jardins, sans doute destinée à l'origine à être un salon de musique ou une bibliothèque. Le plafond de la salle, lumineuse et fort aérée, fut décoré entre 1503 et 1506 par Benvenuto Tisi, dit Il Garofalo, un des peintres les plus éminents de l'école ferraraise à la Renaissance. Restauré récemment, il présente dans toute sa splendeur chromatique un décor peint à fresque inspiré de la célèbre Chambre des Époux de Mantegna à Mantoue, toute proche.
La pièce est rectangulaire et ce plafond, comme un ciel au-dessus de l'espace central, s'ouvre vers les nues par un large balcon aux balustres de pierre, sur lequel reposent des tapis orientaux aux teintes soutenues. L'ensemble constitue comme un jardin clos, un espace luxueux destiné à recevoir à la fraîcheur et loin des bruits de la ville, les hôtes de luxe du propriétaire du palais, Antonio Costabili, personnalité de premier plan à la cour du duc Ercole 1er d'Este, secrétaire de Ludovic le Maure et ambassadeur des Este à Milan.
Une assemblée de personnages élégants et raffinés, tenant souvent des instruments de musique, s'appuient sur la rambarde, s'éparpillant avec naturel autour de ce puits de jour. Chapeaux à plumes, coiffures à résille pour les dames, tissus somptueux, c'est comme une vitrine de l'aristocratie du siècle, proclamant avec désinvolture et élégance son amour pour l'art, la musique, la littérature et la poésie.
Ils lisent, déchiffrent des partitions, devisent et débattent avec un grand sérieux de sujets forcément élevés. Des personnages enturbannés évoquent des maures et autres princes musulmans, dont la présence est attestée à la cour de Ferrare au XVIème siècle.
Le ciel est d'un bleu éclatant, parsemé de quelques nuages pommelés, et de lourdes guirlandes de fleurs et de fruits relient les bords du balcon aux côtés d'une sorte de coupole à 12 côtés, qui semble surmonter la scène de son dais de bois sculpté et doré.
D'incontournables puttis assistent avec bienveillance à ces joutes brillantes, le ventre à l'air et l'air réjoui !!
En 1517, la peinture du plafond a été raccordée aux parois internes de cette vaste salle par des décorations en forme de médaillon ornant des pendentifs triangulaires. Dans les lunettes ainsi ménagées, furent peintes en grisaille, comme des hauts reliefs, des scènes mythologiques et d'histoire de la Rome antique, parmi lesquelles le mythe d'Eros et Anteros, inspiré de l'oeuvre de l'humaniste Celio Calcagini. Ce dernier, proche du Garofalo, était un ami intime de Costabili, prouvant s'il en était besoin, la culture du commanditaire.