Les redresseurs de torts sont de retour. Allez savoir pourquoi, ils fleurissent avec les marronniers de l'été : est-ce parce que, d'ordinaire nous sommes entre nous, plutôt modestes et volontiers discrets, en tout cas peu nombreux... est-ce justement l'énervement provoqué par la surpopulation qui rend la vie quotidienne difficile ? mais tout de même, ils sont en vacances ... Toujours est-il qu'aux abords du 15 août, c'est chaque année la même chose, vous vous faites aligner dès que vous mettez le nez dehors. Incendiaires, à la limite de l'arrogance, "ils" vous prennent de front avec, toujours, des arguments de vertu imparables. Sentinelle d'une orthodoxie comportementale dont ils ne s'appliquent jamais eux-mêmes le début du commencement, parangons d'une vertu sociale dont ils ignorent soigneusement les plus élémentaires préceptes, ils se posent volontiers en justiciers dès lors qu'ils estiment, à bon ou mauvais droit, que vous empiétez sur leur soleil. Ce sont les Don Quichotte de l'été, les râleurs en tongs, les rouspéteurs en bermuda... Et croyez-moi, la seule solution dans cette ambiance délétère, c'est de rester soigneusement chez soi, et de s'en protéger : toute discussion est vaine et vouée à l'énervement et à l'échauffement : "ils" ont toujours raison.
Mais, même claquemuré derrière vos fenêtres, les bruits de la rue vous parviennent encore, et là, entre les querelles pour une place volée (qui bouche justement votre portail !! mais qu'importe ...) et les prises de bec pour un morceau de serviette de plage ensablé, l'ambiance n'est pas au beau fixe. Comme le temps qui est, peut-être, le grand responsable de cette humeur maussade. Jusqu’à votre voisine qui gueule, pardonnez ce mot cru mais il n'y a pas d'autre terme, sur un riant bambin de 3 ans "Droite, la patinette... j'ai dit "droite"... et tu t'essuieras les pieds avant de monter l'escalier".
N'allez surtout pas sur les forums pour tenter d'oublier le monde réel : le virtuel est encore pire. Car là, c'est, été comme hiver, le royaume incontesté des redresseurs de torts : agressifs, volontiers méchants, ils détiennent et affirment une vérité qu'ils sont seuls à percevoir, et font preuve d'une outrecuidance d'autant plus grande que l'anonymat les protège, pensent-ils, du ridicule. Leurs propos font pitié, car on le sent mal dans leurs baskets, mais leur orgueil, leur présomption, en un mot leur insolence les rendent vite insupportables.
Quitte à être sur internet, et puisqu'il est devenu naturel d'y chercher réponse à tout, vous tentez d'en savoir plus en tapant "redresseur de torts". Et là, vous tombez sur un site de jeu, avec magie, dieux, bardes, combats, bestiaires et compagnie... et, parmi les personnages, vous trouvez "le redresseur de torts". Tiens tiens ?
"Certains redresseurs de torts ont personnellement souffert de la violence criminelle et cherchent à se venger. D'autres ont perdu un proche, exécuté de nuit au fond d'une impasse. D'autres encore cherchent l'absolution de leur passé criminel. En fait, quelle qu'en soit la cause, un redresseur de torts brûle de combattre le crime... il est passé maître dans l'art d'écouter « la rumeur de la ville », de trouver les indices décisifs et d'identifier les suspects potentiels... De nombreux redresseurs de torts travaillent pour le pouvoir local ou la milice de la ville... si les autres personnages s'avisent de braver les lois sur le territoire d'un redresseur de torts intransigeant, ils pourraient bien regretter d'avoir attiré son attention." Trop convaincant !!
Un peu écœuré par tout cela, il ne vous reste plus qu'à vous intéresser à l'état du monde. Prendre de la hauteur. Et là, je t'en fiche : les redresseurs de torts, au nom de tous les drapeaux, sont encore pires qu'ailleurs. Et ce d'autant qu'ils sont armés, déterminés et dangereux. Ils tuent, violent, pillent, exterminent, pilonnent, chassent et s'en donnent à coeur joie au nom de tristes convictions qu'ils entendent faire partager à tous, quoiqu'il en coûte. Je me dis parfois, avec l'indécrottable naïveté qui m'empêche toujours de penser compliqué, que ce sont sans doute les mêmes que ceux qui s'étripent sur la plage pour un ballon perdu ou qui s'éclatent en malveillances incontrôlées sur internet.
L'humanité doit comporter une part d'ombre et de cruauté, souvent soigneusement enfouie sous les oripeaux bienséants du quant-à-soi et le vernis d'une certaine politesse. Mais, dès qu'une circonstance le permet, ces relents nauséabonds ne demandent qu'à s'exprimer haut et fort. L'anonymat d'internet, l'impression d'être protégé par un supposé incognito quand on est en vacances (celui-là même qui permet à un péquin, sans doute normal, de pisser contre le mur d'une maison du village, en plein jour, en toute tranquillité d'esprit) autorisent certains à se montrer sous leur vrai jour. Celui qu'ils expriment avec délectation le jour où une guerre, un conflit, une guérilla quelconque leur permettent enfin d'exercer leur rancœurs et d'appliquer leur loi. Il est loin le rêve d'une humanité apaisée, fraternelle et pacifiée. On se demande même comment on a pu y croire. L'écoute des nouvelles de la planète est sinistre et les chroniqueurs n'ont pas à craindre l'absence de scoops sensationnels : on finit par regretter les marronniers !!!
L'humanité doit comporter une part d'ombre et de cruauté, souvent soigneusement enfouie sous les oripeaux bienséants du quant-à-soi et le vernis d'une certaine politesse. Mais, dès qu'une circonstance le permet, ces relents nauséabonds ne demandent qu'à s'exprimer haut et fort. L'anonymat d'internet, l'impression d'être protégé par un supposé incognito quand on est en vacances (celui-là même qui permet à un péquin, sans doute normal, de pisser contre le mur d'une maison du village, en plein jour, en toute tranquillité d'esprit) autorisent certains à se montrer sous leur vrai jour. Celui qu'ils expriment avec délectation le jour où une guerre, un conflit, une guérilla quelconque leur permettent enfin d'exercer leur rancœurs et d'appliquer leur loi. Il est loin le rêve d'une humanité apaisée, fraternelle et pacifiée. On se demande même comment on a pu y croire. L'écoute des nouvelles de la planète est sinistre et les chroniqueurs n'ont pas à craindre l'absence de scoops sensationnels : on finit par regretter les marronniers !!!