C'est au XVIIème siècle que l'art de la "scagliola" s'est répandu à Carpi, sous l'impulsion de Guido Fassi (1584-1649), un architecte originaire de la ville. La racine du mot est le terme italien scaglia, qui signifie écaille. Il s'agit d'une technique de travail du stuc, traité de façon à imiter le marbre.
La méthode était déjà connue dès l'Antiquité, et pratiquée couramment dès le XVème en Allemagne, en Autriche et dans la région lombarde, mais elle se développa particulièrement en Emilie à cause de l'absence de carrières de marbre dans les environs, et pour concurrencer les coûteuses incrustations de marbre importées des ateliers de l'Opificio delle pietre dure de la famille des Médicis à Florence. La production connut un succès grandissant avec l'introduction de la couleur dans les réalisations des artisans de Carpi, ce qui assura durablement sa fortune, en particulier dans la confection de devants d'autels et de décorations d'église très raffinées à moindre frais.
Le matériau de base, une sorte de plâtre, est une substance composite à base de sélénite (très présent dans les Apennins près de Modène et de Reggio) , de colle et de pigments naturels, imitant après ponçage le marbre et les autres pierres dures.
La matière peut être veinée de couleurs appliquées dans la masse et pétrie comme du bon pain !
Le plus souvent, on creuse en intaille (d'où le nom d'écaille) les motifs décoratifs qui vont orner la plaque ainsi réalisée...
...et on les remplit de matière colorée ...
... que l'on ponce et polit ensuite soigneusement à l'huile de lin pour lui donner du brillant et rapprocher l'aspect de celui du marbre.
L'ensemble terminé est ciré pour le protéger. Ce système d'une grande souplesse offre de grandes possibilités artistiques : l'aisance de la gravure en intaille de la couche de base permet des motifs riches et compliquée, et la gamme des couleurs possibles est beaucoup plus grande qu'en marbre veiné naturel.
La technique a été pratiquée avec succès durant près de deux siècles à Carpi, certaines boutiques étant très réputées et réalisant des décors fort artistiques. Mais à partir de la fin du XVIIIème siècle, elle tomba en déclin, les commandes se raréfiant (c'était un peu démodé) et les artisans ne renouvelant guère leurs motifs. Et surtout, la scagliola connut une désaffection car elle était considérée comme un ersatz de marbre, et, moins coûteuse que ce dernier, elle faisait "pauvre". Le métier s'est perdu et il a fallu que le XXème siècle le redécouvre, pour qu'on forme de nouveau des artisans capables d'en réaliser, tant pour la restauration que pour créer des sculptures, colonnes et autres éléments architecturaux d'un design moderne et très apprécié en décoration.