Ceux qui tiennent un blog en ont sans doute fait l'expérience : lorsque, au cours d'une conversation amicale, vos proches, parfois fidèles et indulgents lecteurs de vos élucubrations, pensent à quelque chose d'intéressant, ils vous disent volontiers "Tiens, tu devrais faire un billet là-dessus". Tout comme ils vous suggèrent volontiers photo ou actualité qui leur semble pouvoir donner lieu à quelque nouvel article. Ainsi, l'autre jour, un ami, amusé d'une formule que j'employais à je ne sais plus trop quel sujet, déclara tout de go "Cela ferait un bon titre pour ton blog", et me mit au défi de broder là-dessus. Sortie de son contexte, la phrase, "un jeune homme pour l'été", a un petit côté coquin qui l'amusait fort et la tablée s'est divertie à la perspective du pensum dont il m'avait chargée. Pour autant, je ne me défile pas, et me voici, armée d'une formule improbable et ambiguë, prête à vous servir un brouet estival.
Un jeune homme pour l'été, dans la bouche (ou plutôt sous la plume) d'une quasi sexagénaire, cela a son petit côté égrillard qui prête à sourire. L'ami en question me voyait sans doute vous régalant de quelques libertinages canailles, développant avec mon sérieux habituel le phénomène cougar, et dissertant sans barguigner sur les Toys Boys, autant dire les lionceaux dont les dames de plus de quarante ans, dit-on, raffolent. Alors forcément je suis allée à la pêche aux renseignements, mais j'avoue que le sujet ne m'affriole guère, n'était portée ni sur la chair fraîche, ni sur le muscle en tablettes.
Me voici donc contrainte de botter en touche. Et ne pouvant vous distraire en badinant sur les pumas femelles et leurs appétits fripons, je suis dans une impasse et maudis secrètement, en vrac, l'éducation par trop judéo-chrétienne qui me fait tout ignorer des délices polissons d'une libido libérée, ma pruderie atavique qui me tient éloignée des débauches "tendance" et des concupiscences licencieuses et mes valeurs démodées qui me font inutilement croire que la sagesse et la tempérance sont synonymes de vertu. Sauf que ... j'ai un sens très aigu du "ridicule" et quelques complexes bien assumés me tiennent définitivement à l'abri de toute illusion quant aux attraits d'une femme mûre, voire blette, aux yeux d'un éphèbe, fut-il en quête de tendresse, d'expérience, ou simplement nostalgique de giron maternel.
Quant à l'ami qui m'a lancée sur cette piste délicate sur laquelle je suis joyeusement en train de m'étaler, il doit bien rire en lisant ces lignes : elle n'a rien qui vaille à nous dire, Michelaise, sur "son" jeune homme pour l'été. Sans compter que la susdite déteste la plage, et n'y met jamais les pieds : elle n'a donc rien à dire sur les Apollons balnéaires et autres jolis garçons dont elle pourrait, au moins, apprécier la plastique à défaut de vouloir les séduire.
Où voit-elle de jeunes hommes notre mamie grisonnante, ne fréquentant qu'expositions saturées de têtes argentées, musées où s'égaillent parfois quelques spéciMENS chenus de sa génération, pièces de théâtre envahies d'enseignants en retraite, et concerts dont la moyenne d'âge est telle qu'elle s'y sent, malgré ses soixante balais, toute jeunette ??? Mais au concert justement ! Selon l'étrange phénomène qui veut que la musique classique soit jouée, quasi toujours, par des jeunes pour des vieux - pardon, je ne suis pas adepte de la langue de bois et préfère parler clair - on se délecte souvent, dans les concerts d'une délicieuse alchimie, qui allie le talent à la beauté ! Mais oui... Et voilà Michelaise retombée sur ses pieds : elle va pouvoir, au motif de vous parler du génie musical de quelques nouveaux interprètes prometteurs, vous égrener une charmante galerie de jolies frimousses. Sauvée !! Et pour faire bon, poids, je ne parlerai ici que de concerts vus avec cet ami facétieux qui pourra ainsi juger de mon choix - éclectique mais juste, si, si ! - de "jeunes hommes pour l'été".
Pour commencer, le coup de coeur du Festival de Fontdouce : un tout jeune pianiste de 18 ans à peine, Nikolay Khozyainov : il a été repéré au Concours de Dublin par Philippe Cassard, qui l'a immédiatement invité en Charente. Un jeune prodige, certes, mais pas du tout un phénomène de foire : un jeu enthousiasmant, d'une légèreté, d'une jeunesse, d'une délicatesse aériennes. Il nous a joué Chopin comme on ne peut le faire qu'à cet âge-là, avec cette petite note de romantisme et d'inventivité qui donnent à la partition un éclairage juvénile. Il a totalement conquis le public et, pas avare de bis, a terminé son concert par ce que je pense avoir été une improvisation sur l'air de Chérubin, pleine de fouge, parfaitement assortie à son physique d'angelot gracile. Mais il ne faut pas s'en laisser conter par cette jolie tignasse bouclée : ce gamin est doué d'une énergie et d'une efficacité qui lui promettent une longue et belle carrière.
Toujours à Fontdouce, Finghin Collins, un irlandais inspiré, qui vivait sa musique à fond : on a rarement vu derrière un clavier un telle expressivité physique, un tel engagement corporel. Certains chantent en jouant, lui ... il dansait. Il était tour à tour rieur, interrogatif, songeur, extatique et sans cesse prêt à décoller.
Pourtant, avec son look de clergyman, sanglé dans une veste noire ornée d'un col romain immaculé et sévèrement boutonnée jusqu'en haut, il était, rendu à la vie civile, tout ce qu'il y a de plus coincé : aimable mais cérémonieux, pas franchement à l'aise avec le vieux monsieur venu le féliciter. Mais devant son clavier, il était comme immergé dans un monde musical qui le passionnait à tel point qu'il nous communiquait son ardeur, et nous fit oublier les quelques imprécisions dues, on veut bien l'admettre, à un trop grand engagement.
Et pour finir, dans le cadre des Jeudis Musicaux qui, comme chaque année nous régalent de 34 concerts où le charme des artistes s'allie fort agréablement à la qualité des interprétations, un concert tout à fait original nous a permis de découvrir deux jeunes talents, d'un professionnalisme sans reproche. Claire Luquiens et Samuel Strouk sont repectivement flûtiste et guitariste. Alliance a priori improbable, les partitions pour ces deux instruments étant, sauf celles de Piazzola, très rares, et pourtant ô combien réussie. Et ce, pour plusieurs raisons : d'abord ces deux instrumentistes sont de très haut niveau et leur jeu est impeccable. Ensuite, musiciens dans l'âme, ils ont su faire des transcriptions de fort bon aloi qui ne trahissent ni la partition, ni le musicien. Même quand il s'agit de La Grande Valse brillante de Chopin jouée façon manouche, on est pris. De plus, l'utilisation, en particulier pour les œuvres pour piano, de la flûte comme main droite et de la guitare comme main gauche, permet de faire ressortir le chant tout en assurant un parfaite indépendance des deux parties, ce qui donne des résultats vraiment convaincants. Enfin, et pour ne rien gâcher, ces deux jeunes gens sont beaux, et leur duo élégant et souriant est plus que plaisant à voir et à entendre. D'autant que Samuel Strouk est doué d'un vrai charisme : il sait présenter chaque pièce avec un habile mélange d'enthousiasme, de précision technique et de mots aisés à comprendre, qui tient le public sous le charme ! Un couple à aller écouter sans hésitation s'il passe près de chez vous.
Voilà, je me suis acquittée du challenge dans lequel je m'étais imprudemment lancée en réussissant à vous parler un peu musique, un sujet pas toujours facile à traiter pour des lecteurs qui n'ont aucun chance de voir les concerts concernés. Et je dois vous avouer que cela aurait pu être pire car l'ami en question avait relevé parmi mes phrases insouciantes "une femme à la demande", suivi parait-il de "au moindre prix", et menaçait de me soumettre au même défi avec cette formule encore plus périlleuse. Je crois que, dorénavant, je tournerai avec lui sept fois ma langue avant de parler, au risque de devoir vous abreuver de billets sans queue ni tête durant tout l'été !!
Voilà, je me suis acquittée du challenge dans lequel je m'étais imprudemment lancée en réussissant à vous parler un peu musique, un sujet pas toujours facile à traiter pour des lecteurs qui n'ont aucun chance de voir les concerts concernés. Et je dois vous avouer que cela aurait pu être pire car l'ami en question avait relevé parmi mes phrases insouciantes "une femme à la demande", suivi parait-il de "au moindre prix", et menaçait de me soumettre au même défi avec cette formule encore plus périlleuse. Je crois que, dorénavant, je tournerai avec lui sept fois ma langue avant de parler, au risque de devoir vous abreuver de billets sans queue ni tête durant tout l'été !!