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TRILOGIE AIXOISE, ACTE II - IL TURCO IN ITALIA

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Aller voir un Rossini, c'est souvent la promesse d'une soirée joyeuse, enlevée et forcément colorée. La dernière version aixoise du Turc en Italie n'a pas dérogé à la règle et nous a, en tant que telle, enchantés. Comme dans tout bon opéra bouffe, le livret est décousu, l'action trépidante mais plutôt incohérente, et il s'agit plus pour le compositeur de mettre des voix en valeur que de faire progresser une intrigue qui a tendance à aller dans tous les sens, sans grande logique. Il Turco ne faillit pas à la règle et les rebondissements sont si invraisemblables qu'on se demande à certains moments si l'on est toujours dans la même "pièce".
D'après le site du Festival, cela donne à peu près cela :
"Par un soleil radieux d’opéra bouffe, voici qu’un prince turc bien fait de sa personne et pourvu d’une agile voix de basse débarque sur la côte napolitaine en quête d’aventures féminines. Il ne tarde guère à rencontrer une pétulante Italienne, soprano aussi coquette que virtuose, habituée à papillonner auprès de ses admirateurs au grand dam de son vieux mari. Tout ce petit monde se désire, se jalouse et se dispute sous les yeux du poète Prosdocimo et pour son plus grand bonheur. Car cet auteur en quête de personnages cherchait précisément l’inspiration pour une pièce à écrire. Il ira jusqu’à influer sur les actions de ces figures tragi-comiques, donnant une dimension quasi pirandellienne à l’opéra le plus fou mais aussi le plus délicat de Gioacchino Rossini."


Photo Arte

Pour Pirandello, on repassera, sauf à vouloir que Rossini donne dans l'introspection et la réflexion sur le paradoxe et l'absurdité de la vie ! Mais l'idée, lancée à propos de la mise en scène qui valorise les rapports du poète avec ses personnages, a fait florès dans la critique, qui reprend l'argument en boucle, sans grand discernement à mon sens. Par contre l'idée faire tirer les ficelles de cet épisode échevelé par un poète farfelu, qui ne sait pas trop bien où il veut en venir, est particulièrement réjouissante et, finalement, gomme bien les extravagances de l'histoire. De burlesque le livret se teinte d'une analyse assez fine de l'inconstance amoureuse et des revirements de cœur entre hommes et femmes. Christopher Alden, le metteur en scène, a accentué ce côté "work in progress" en transformant Prosdocimo en un écrivain tourmenté par l'inspiration qui semble le fuir et tapant, sur une vraie machine à écrire qui, clic, clac et reclic, rythme parfois la partition, le texte de l'intrigue qu'il soumet, au fur et à mesure, à ses personnages. 



Le décor, une sorte de hall d'attente aux néons blafards, transformé au gré des scène en salle d'auberge aux toiles cirées ringardes, ou en coulisses de théâtre aux portants multicolores, n'est pas d'une grande beauté mais s'accorde assez bien au propos et au format de l'Archevêché. 
Même si certains choix de mise en scène m'ont semblé contestables (comme le parti, qui finit par confiner au tic visuel, de faire de l'amoureux transi un benêt tirant sur le débile léger, presque contrfait, qui se traîne sans cesse par terre, au point qu'on a du mal à savoir qui chante, alors que l'américain Lawrence Browlee est un superbe ténor rossinien) l'ensemble de la création scénique est assez réussi. Certaines trouvailles, comme les rondes un peu guindées de bohémiennes ou les trébuchements inesthétiques des chœurs d'hommes déguisés en femmes et juchés sur des talons qu'ils ne maîtrisent pas tous très bien, alourdissent un peu le propos. Pourtant, les changements à vue de Fiorella qui nous la joue sur toutes les gammes, de la brune piquante, à la blonde évaporée en passant par la rousse enjôleuse, les angoisses de créateur du poète et les coups de sang du mari bafoué sont plutôt drôles.


Mais surtout, la "machinerie musicale" de Rossini séduit et enchante, car le plateau vocal est exceptionnel. La soprano Olga Peretyatko réussit à merveille dans son rôle d'épouse volage et sensuelle : elle manie la virtuosité, crescendos vertigineux et airs acrobatiques avec une aisance rare et ajoute à ses talents vocaux un excellent jeu d'actrice, d'autant plus convaincante qu'elle est belle comme un colibri !! Le vieux mari jaloux, barbon et cocu, est joué avec beaucoup de finesse par Alessandro Corbelli, un rôle de buffo ici plutôt attendrissant et chanté avec une vraie aisance. Le Turc, le magnifique basse Adrian Sampetrean, tient sa partie avec brio et les rôles secondaires ne déméritent jamais. J'ai enfin trouvé que le public ne rendait pas le juste hommage au remarquable baryton Pietro Spagnoli, sobre quoique drôle et surtout très à l'aise dans son rôle. 
Après une annulation pour cause d'agitation intermittente assaisonnés de quelques démêlés bien sentis de la soprano Peretyatko avec les grévistes, et un repli du spectacle en version semi-scénique, dans une salle couverte, pour cause d'intempéries, notre soirée du 9 juillet était la première de l'opéra, et la troupe était manifestement ravie de pouvoir, enfin, se donner à fond ! Pour notre plus grand plaisir.

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