Parfois, dans le lumière du petit matin, nous découvrons en nous levant un paquebot amarré juste en face de chez nous, au Verdon. Le Verdon est une annexe du Port Autonome du Bordeaux, annexe que "nous" avons défendue contre les projets mirifiques d'une vague société hollandaise qui voulait y installer un port méthanier. Depuis que, grâce en partie aux manifestations qui ont l'ont vilipendée, l'idée a été abandonnée, le Verdon a retrouvé sa quiétude et se contente d'accueillir, bon an, mal an, une vingtaine de paquebots qui, plutôt que de remonter les 100 kms de l'estuaire pour déposer leurs passagers à Bordeaux, font une halte là. Les touristes sont installés dans des cars, ils traversent le Médoc et visitent quelques chais, font une virée à Bordeaux et, de retour dans la soirée, appareillent de nouveau vers le large.
Le reste du temps, l'horizon est quasi désert car le trafic est très rare sur ces eaux tranquilles. On voit toujours les deux "girafes", dressées comme deux tours de gardes inutiles et désuètes.
Pourtant, si l'on y regarde de plus près, d'étranges petits plots s'élèvent tout au long de la côte, bêtement plantés dans l'eau à intervalles irréguliers.
Situés derrière le quai contre lequel accostent les paquebots du XXIème siècle, ces piquets incongrus sont les restes du superbe môle d'escale construit en 1933 et qui avait été conçu comme le port de débarquement des bateaux de passagers en provenance de nos différentes colonies. L'idée était, comme aujourd'hui, de permettre aux passagers des navires internationaux de rejoindre Bordeaux sans perdre une journée de trajet fluvial. Et pour cela, il fallait offrir aux bâtiments de tout gabarit la possibilité d’accoster facilement sans se soucier des horaires de marée.
Les travaux furent impressionnants, il s'agissait d'ancrer profondément les bases d'une jetée apte à supporter la pression considérable exercée par les grands navires au moment de leur accostage. Il fallut amener à pied d'oeuvre 180 000 tonnes de gravier, 185 000 tonnes de moellons, 35 000 tonnes de blocs, 81 000 mètres cubes de béton et 13 000 tonnes d'acier. Pour cela, on eut recours à 58 000 wagons, formant la jolie farandole de 2 900 trains.
Un môle d'accostage, de 377m par 38, était constitué par une plateforme en béton armé, reposant sur un terrain solide à plus 8m de profondeur sous les fonds du fleuve.
Abordable par les deux faces, ce quai pouvait recevoir les plus gros navires navigant à l'époque.
Un viaduc courbe, de 372 mètres de long, reliait ce môle à la terre ferme, où des installations complémentaires comportaient une gare, des voies de triage, des hangars, une centrale de secours et d'autres bâtiments.
Sur le môle, le long duquel accostaient les paquebots, fut édifiée une gare maritime, à un étage, pourvue de toutes les commodités pour les voyageurs, dont une poste.
Des engins de levage à grande portée assuraient la manutention des bagages et des colis entre les navires et le môle.
Les trains, qui pour le plus grand confort des voyageurs, arrivaient jusqu'au bateau en suivant la jetée, et leur entrée sur le môle se faisait au rez-de-chaussée par 4 voies ferrées électrifiées. Pendant ce temps, une voie parallèle pour les automobiles s'élevait en pente douce jusqu'au premier étage de la gare maritime, où deux cours, prolongeant la gare et communiquant entre elles, permettaient le stationnement des véhicules.
La voie ferrée et la route, l'un au-dessus de l'autre, passaient ainsi toutes deux sur le viaduc et rejoignaient leur destination terrestre pour acheminer les voyageurs sans encombre vers Bordeaux, distante de 100 km.
L’avant-port du Verdon fut inauguré le 22 juillet 1933 avec l’accostage du « Champlain » en provenance du New-York.
Mais, en dépit de ses inconvénients, le port de Bordeaux restait plus attractif pour les compagnies maritimes et le peu de trafic généré par le môle d’escale déçut les attentes. Le môle d'escale accueillit une centaine de transatlantiques durant sa courte existence. La Seconde guerre mondiale devait marquer le coup d’arrêt de cette folle aventure d'un môle situé au bout de nulle part. Ce qui n'empêcha pas les Allemands contrôlant la poche de Royan et la pointe de Grave, de bombarder et de détruire, le 11 novembre 1944, cette construction avancée. Il n'en reste que quelques plots épars que nous regardons avec nostalgie les jours où l'air est assez clair pour qu'on les distingue à l’œil nu, et qui doivent fort intriguer les passagers des grands navires qui viennent accoster tout prêt, dès le retour de la belle saison.
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Les photos proviennent du film du Port Autonome de Bordeaux qui présentait, en 1935 ce fleuron de la technologie moderne, film qui fait revivre, l'espace de quelques minutes l'assemblée affairée des voyageurs en partance vers l'autre côté de l'Atlantique.
Situés derrière le quai contre lequel accostent les paquebots du XXIème siècle, ces piquets incongrus sont les restes du superbe môle d'escale construit en 1933 et qui avait été conçu comme le port de débarquement des bateaux de passagers en provenance de nos différentes colonies. L'idée était, comme aujourd'hui, de permettre aux passagers des navires internationaux de rejoindre Bordeaux sans perdre une journée de trajet fluvial. Et pour cela, il fallait offrir aux bâtiments de tout gabarit la possibilité d’accoster facilement sans se soucier des horaires de marée.
Les travaux furent impressionnants, il s'agissait d'ancrer profondément les bases d'une jetée apte à supporter la pression considérable exercée par les grands navires au moment de leur accostage. Il fallut amener à pied d'oeuvre 180 000 tonnes de gravier, 185 000 tonnes de moellons, 35 000 tonnes de blocs, 81 000 mètres cubes de béton et 13 000 tonnes d'acier. Pour cela, on eut recours à 58 000 wagons, formant la jolie farandole de 2 900 trains.
Un môle d'accostage, de 377m par 38, était constitué par une plateforme en béton armé, reposant sur un terrain solide à plus 8m de profondeur sous les fonds du fleuve.
Abordable par les deux faces, ce quai pouvait recevoir les plus gros navires navigant à l'époque.
Un viaduc courbe, de 372 mètres de long, reliait ce môle à la terre ferme, où des installations complémentaires comportaient une gare, des voies de triage, des hangars, une centrale de secours et d'autres bâtiments.
Sur le môle, le long duquel accostaient les paquebots, fut édifiée une gare maritime, à un étage, pourvue de toutes les commodités pour les voyageurs, dont une poste.
Des engins de levage à grande portée assuraient la manutention des bagages et des colis entre les navires et le môle.
Les trains, qui pour le plus grand confort des voyageurs, arrivaient jusqu'au bateau en suivant la jetée, et leur entrée sur le môle se faisait au rez-de-chaussée par 4 voies ferrées électrifiées. Pendant ce temps, une voie parallèle pour les automobiles s'élevait en pente douce jusqu'au premier étage de la gare maritime, où deux cours, prolongeant la gare et communiquant entre elles, permettaient le stationnement des véhicules.
La voie ferrée et la route, l'un au-dessus de l'autre, passaient ainsi toutes deux sur le viaduc et rejoignaient leur destination terrestre pour acheminer les voyageurs sans encombre vers Bordeaux, distante de 100 km.
L’avant-port du Verdon fut inauguré le 22 juillet 1933 avec l’accostage du « Champlain » en provenance du New-York.
Mais, en dépit de ses inconvénients, le port de Bordeaux restait plus attractif pour les compagnies maritimes et le peu de trafic généré par le môle d’escale déçut les attentes. Le môle d'escale accueillit une centaine de transatlantiques durant sa courte existence. La Seconde guerre mondiale devait marquer le coup d’arrêt de cette folle aventure d'un môle situé au bout de nulle part. Ce qui n'empêcha pas les Allemands contrôlant la poche de Royan et la pointe de Grave, de bombarder et de détruire, le 11 novembre 1944, cette construction avancée. Il n'en reste que quelques plots épars que nous regardons avec nostalgie les jours où l'air est assez clair pour qu'on les distingue à l’œil nu, et qui doivent fort intriguer les passagers des grands navires qui viennent accoster tout prêt, dès le retour de la belle saison.
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Les photos proviennent du film du Port Autonome de Bordeaux qui présentait, en 1935 ce fleuron de la technologie moderne, film qui fait revivre, l'espace de quelques minutes l'assemblée affairée des voyageurs en partance vers l'autre côté de l'Atlantique.